Il y a quelques années, le Programme pour l’Environnement des Nations Unies (PNUE) a soigneusement élaboré un plan pour sauver la Planète. Les émissions de carbone planétaires devaient être réduites de 7,5% ou 8% par année dès 2020. Si ce plan avait été appliqué, elles auraient aujourd’hui baissé d’un tiers. Le PNUE note malheureusement à la fin de 2023 que les émissions de carbone ont atteint un nouveau record, même si celles de l’Europe diminuaient déjà à la fin de 2022.
Il est devenu évident que ces objectifs ne seraient pas atteints et que chaque année nous ajoutons à l’atmosphère trop de CO2. D’autres plans de sauvetage de la biosphère ont donc été développés.
Un d’entre eux élaboré en 2023 provient du groupe de réflexion (think tank) indépendant CCAG est constitué entre autres d’experts climatiques King et Rockström, ainsi que de politologues et de spécialistes des diverses solutions. David King était le conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique, de l’UBS, et le responsable du bureau scientifique britannique. Johan Rockström est entre autres le co-directeur de l’excellent institut de Potsdam pour la recherche sur le climat (PIK), conseiller scientifique de l’ONU et de la banque européenne d’investissement.
Ils remarquent que la poursuite du réchauffement climatique comporte le risque de basculement du système Terre, qui deviendrait alors instable. De changements plus graves du climat pourraient alors survenir facilement, alors qu’il est déjà inquiétant maintenant.
Ils proposent une nouvelle stratégie pour sauver la Planète, intitulée stratégie en 4R. Elle inclut la réduction, le retrait (removal) du carbone de l’atmosphère, la réparation des écosystèmes et la résilience.
Ils considèrent qu’en cas de dépassement du seuil de 1.5°C, une réduction d’émissions à vitesse modérée aura moins de repercussions sur l’économie qu’un changement brusque. Je n’en suis pas sûre. Je crois qu’elle permettra plus de catastrophes climatiques, qui emporteront davantage de vies humaines. De plus, celles-ci se sont déjà avérées plus destructrices que les estimations des modèles.
Selon eux, deux axes principaux s’imposent maintenant. D’une part, la réduction d’émissions de carbone, et d’autre part le retrait du carbone de l’atmosphère (carbon removal).
Les objectifs du PNUE d’une réduction de 8% par année restent certainement valables. J’espère que l’Europe est en bonne voie, les émissions ont déjà diminué en 2022 et d’autres projets de réduction sont en cours.
Par ailleurs, ils recommandent d’extraire le carbone de l’atmosphère (removal). Plus nous en émettrons, plus il faudra en retirer. Diverses technologies de retrait de carbone et solutions permettent d’y parvenir. Ils présentent ensuite différentes technologies.
Le carbone peut être directement capté lors de la production industrielle ou de la combustion des énergies fossiles. La capture directe de l’air, DACCS, développée par exemple par Climeworks, permet par contre d’extraire le carbone déjà présent dans l’atmosphère, comme les plantes et les algues marines le font depuis des milliards d’années. Elle consomme actuellement énormément d’énergie. La question du stockage permanent de carbone capté se pose alors. Klaus Lackner suggère un système de ‘gérants du carbone’ qui s’occuperaient du stockage. Les entreprises qui aimeraient se lancer dans des activités émettrices de CO2 devraient commander son stockage à l’avance (rapport p.17).
La Nature peut faire une partie du travail à notre place. Le CCAG conseille de développer la reforestation des terres, le réensauvagement (rewilding), et la régénération des mangroves. Le carbone est alors entreposé dans les plantes, dans leurs racines, dans chaque être vivant de l’écosystème, puis enrichit le sol et s’y accumule.
Il peut aussi être capté ou économisé par une agriculture à basses émissions, des techniques durables de riziculture et d’élevage, l’agriculture durable, l’agro-écologie et l’agriculture régénérative.
La reforestation et l’utilisation d’arbres dans l’agriculture peuvent prendre plus d’ampleur si la consommation de viande diminue. En effet, plus de la moitié des terres agricoles sont actuellement utilisées pour l’alimentation du bétail.
La régénération de la biodiversité peut être réalisée par le réensauvagement, et la restauration d’habitats. Dans les océans, un ajout de fer en surface provoque une croissance d’algues visible par le verdissement au bout d’un mois, une prolifération de poissons en trois mois et des gros poissons en six mois.
Les baleines apportent aussi un bénéfice à l’écosystème océanique, elles fertilisent les océans et stockent du CO2.
Toutes ces solutions me paraissent excellentes, à part un bémol pour les mangroves. Je pense que le niveau des mers montera trop vite pour permettre une bonne croissance de ces dernières.
Les techniques de gestion du rayonnement solaire (SRM) visent à limiter l’énergie du soleil qui parvient à la surface de la Terre.
Elles incluent l’éclaircissement des nuages, par l’émission de petite gouttelettes d’eau de mer pour former des nuages marins clairs, qui reflètent les rayons du soleil, ou l’amincissement de nuages.
Une autre technique est l’injection d’aérosols dans la stratosphère. Elle est basée sur l’observation que les éruptions volcaniques avec éjection de cendres provoquent des années froides. Elle nécessite des avions ou de ballons à haute altitude pour disperser des aérosols de sulfate, réfléchissant la lumière du soleil. Cette technologie comporte des risques de diminution de la pluie en Inde et au Sahel, de pluies acides, de trous de la couche d’ozone, et des graves risques en cas d’arrêt.
Une autre idée est déployer une série de miroirs dans l’espace pour refléter le soleil, mais celle-ci n’est pas prévue pour le moment.
Ils précisent qu’ils ne préconisent aucune solution en particulier, mais se tiennent à disposition des décideurs pour les renseigner.
Certaines solutions naturelles sont aussi classées dans la résilience, les mangroves protègent les côtes et les arbres modèrent le climat local.
Un exemple de succès cité est la reforestation du plateau de Loess en Chine. Cette région a été cultivée au moins dès le 14ième siècle. Le sol épuisé s’envolait en immenses tempêtes de sable, aveuglait des villes distantes de centaines de kilomètres, et embourbait le fleuve jaune. La reforestation d’une zone de la taille de la France est une réussite. Le sol est plus stable, se prête mieux à l’agriculture, et capte de grandes quantités de carbone. Les canicules et les froids extrêmes ont disparu, laissant place à un climat plus humide, plus chaud et plus tempéré. La biodiversité s’y déploie maintenant de façon impressionnante.

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