Climat

Le climat apporte des risques catastrophiques pour l’Europe – EUCRA

L’évaluation européenne des risques climatiques ( EUCRA), publiée en janvier 2024 par l’Agence Européenne pour l’Environnement, se penche sur les risques du changement climatique.

Ils constatent que l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement au monde, et que les caniculess deviennent de plus en plus fréquentes. Des précipitations extrêmes et des inondations catastrophiques se sont déjà produites ces dernières années. Leur rapport contient de nombreux détails intéressants sur les effets du climat sur les populations et les écosystèmes.

L’agence Européenne pour l’environnement conclut que si des mesures décisives ne sont pas prises dès maintenant, la plupart des risques climatiques identifiés pourraient atteindre des niveaux critiques, voire catastrophiques, d’ici la fin de ce siècle. Des centaines de milliers de personnes mourraient à cause des vagues de chaleur, et les pertes économiques dues aux seules inondations côtières seraient très importantes.

Vagues de chaleur

Partout en Europe, les températures moyennes, les vagues de chaleur et les pluies intenses augmentent, et dans le Sud de l’Europe les précipitations totales diminuent.

Les chaleurs extrêmes deviennent de plus en plus fréquentes, exposant une grande partie de la population au stress thermique, en particulier dans le sud et l’ouest de l’Europe.

L’été 2022, d’une chaleur record, a amené entre 60 000 et 70 000 décès prématurés en Europe, malgré des investissements considérables dans des plans d’action santé-chaleur.

La chaleur extrême combinée à une sécheresse prolongée, comme la sécheresse record de 2022, a eu des conséquences graves et directes sur les écosystèmes, la foresterie, l’agriculture, l’approvisionnement en eau et la santé humaine. Elle facilite aussi les incendies de forêt et les problèmes de santé causés par la fumée. Des impacts moins directs touchent la sécurité énergétique, les services de transport, et l’économie dans son ensemble.

Le réchauffement progressif et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur affectent la santé humaine. Ils diminuent la capacité à réguler la température interne du corps, entraînant des crampes, de l’épuisement, des coups de chaleur et une aggravation de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, respiratoires et cérébrovasculaires et des problèmes connexes tels que l’anxiété. La mortalité liée à la chaleur dans l’UE devrait être multipliée par 10 sous un réchauffement de 1,5°C, mais par plus de 30 fois s’il atteint 3°C. Les effets sur la mortalité et la morbidité seront les plus marqués dans le sud de l’Europe.

À l’échelle mondiale, on estime que la probabilité de températures record augmentera déjà entre 2021-2050 et encore plus au cours de la période 2051-2080. Le rapport européen relève que les températures extrêmes en Europe occidentale augmentent plus rapidement que ce que simulent les modèles climatiques, et que les projections futures pourraient donc sous-estimer les changements en matière de chaleur extrême. La figure 11.3 montre les projections (celles qui sont sous-estimées dr) de l’exposition future à la chaleur et de la vulnérabilité en Europe.

Le nombre de jours de canicule en Espagne et au Sud des Alpes est entre 10 et 160 pour un réchauffement mondial de 3°C ou 3.7°C. Cette valeur est probablement sous-estimée, mais il faut espérer que nous n’atteindrons pas ce niveau de changement climatique. D’autre part, la température n’est pas mentionnée, et celles -ci s’élèveront encore et atteindront des niveaux dangereux pour la vie humaine dans un laps de temps de temps assez court. Le Canada a atteint la température de 49.8°C en 2021. De telles températures sont déjà possibles, et leur probabilité augmentera. La Sicile a déjà atteint 48,8°C. Le Sud de l’Europe pourrait bien dépasser les 50°C au cours de ces prochaines décennies. 

Les mesures préconisées, telles que la végétalisation des villes, sont nécessaires mais insuffisantes. Il faut prévoir des locaux frais, dans les caves par exemple, pour abriter toute la population quelques jours en cas de chaleur mortelle.

Pluies et tempêtes

En ce qui concerne les inondations, il y a aussi décalage entre les prévisions et la réalité.  L’EUCRA relève que les pluies intenses et les inondations ont fortement augmenté. Les grosses grêles deviennent plus fréquentes, les glissements de terrain sont un risque.

Les vagues de chaleur marines en mer Méditerranée ont créé les conditions propices aux cyclones méditerranéens. Par exemple, la tempête/cyclone Daniel en septembre 2023 a provoqué des pluies torrentielles où certaines régions de Grèce ont reçu environ 80 cm de pluie en une seule journée, entraînant des inondations à grande échelle.

Le risque d’inondation pluviale devrait augmenter considérablement dans les villes d’Europe du Nord et dans certaines villes d’Europe centrale et occidentale d’ici 2030. Elles sont exposées à un niveau très élevé de ces événements.

Les débordements importants entraînent des blessures physiques directes, une exposition accrue aux maladies d’origine hydrique ainsi que des dommages et des perturbations dans les services de santé.

Des inondations composées, des ouragans, qui toucheraient les côtes et l’intérieur des terres par des pluies intenses pourraient avoir des conséquences dévastatrices. Des ondes de tempêtes conjugées à de fortes précipitations et un débordement des fleuves sont très probables dans une grande partie de l’Europe. 

Selon les chiffres cités, les dommages causés à l’environnement bâti par les phénomènes météorologiques extrêmes devraient être multipliés par 10 d’ici la fin du 21e siècle, en raison uniquement des effets du changement climatique. Les augmentations les plus significatives sont attendues dans les secteurs de l’énergie et des transports, tandis que les dégâts les plus importants en termes absolus sont estimés pour le secteur industriel. Les catastrophes pourraient provoquer un crash du prix des maisons, des interruptions de l’activité des usines, et la migration de millions de personnes.

Les inondations provoquent les pertes directes les plus élevées dans les secteurs manufacturier et des services publics. Ici, l’EUCRA cite les chiffre du GIEC : « Les coûts associés aux aléas climatiques devraient augmenter considérablement d’ici les années 2080, pour atteindre potentiellement plus de 10 milliards d’euros, soit une multiplication par 20 par rapport au niveau actuel. Les vagues de chaleur devraient être le facteur dominant, représentant 92 % du total des dommages d’ici les années 2080, affectant particulièrement les routes et les voies ferrées en raison des ornières et des explosions (Forzieri et al., 2018b). »

Seulement, un autre rapport de la même agence a établi qu’entre 1980 et 2020, les pertes économiques totales dues aux événements météorologiques et climatiques entre 1980 et 2020 se sont élevées à 450-520 milliards d’euros dans les 32 pays membres de l’EEE. C’est plus que 10 milliards par année. Le coût prévu pour 2080 est déjà dépassé dans la réalité, et la tendance est à l’augmentation (lien).

L’EUCRA cite aussi le chiffre de 44 milliards pour les dommages des catastrophes pour l’année 2021, les inondations d’Allemagne et de Belgique. Il est bien plus élevé que les prévisions, et il a épuisé le Fonds de solidarité de l’UE existant. 

Le schéma des atteintes possibles à la santé humaine n’inclut pas les victimes directes des inondations, alors qu’il en a déjà, notamment sept personnes décédées dans les inondations en France la semaine passée. Le nombre de victimes pourrait augmenter rapidement. 

Ce rapport cite les conclusions du GIEC de 2019 ainsi que les constatations scientifiques récentes que les catastrophes se produisent plus vite que prévu. Ca, je le savais déjà, cela figure dans mes blogs depuis des années. Je structure l’information de la même façon, en utilisant les chiffres de référence officiels et les faits nouveaux.  Nous sommes d’accord sur le constat mais il n’améliore pas la prévision des risques de catastrophes en Europe.  

Les estimations du GIEC sont déjà dépassées, par contre la tendance à l’augmentation semble bien solide. Plusieurs études observent le renforcement des cyclones, expliquent la formation des pluies intenses et d’autres phénomènes atmosphériques, et confirment ces tendances. 

Au niveau de la prévention des risques, l’information que 10km2 seront inondés mais que cette valeur pourrait être beaucoup plus élevée n’est pas la plus utile. Les bons chiffres existent-ils déjà ? Il faut de toute urgence faire plus de recherche à ce sujet, modeler les zones inondables par 1000 mm de précipitations, ou plus, et celles qui seront inondées lors de fortes pluies conjuguées à un niveau des mers d’un, trois ou cinq mètres plus élevé. Ces modèles pourraient d’ores et déjà inclure l’augmentation des précipitations et des vagues de chaleur qui a été observée ces dernières années, mais de phénomènes nouveaux, plus graves ne sont pas exclus. Ils pourraient se trouver dans des études théoriques de la physique de l’atmosphère. 

L’autre inconnue est l’évolution du réchauffement. James Hansen et l’Organisation Météorologique Mondiale estiment que le réchauffement a accéléré, et plusieurs facteurs, la fonte du permafrost, la perturbation de la végétation et des sols, la fonte des calottes glaciaires entre autres, pourraient le rendre encore plus rapide à l’avenir, il dépend aussi bien sûr des différentes mesures mises en place. Il faudrait peut-être plusieurs groupes de recherche qui modéliseraient les catastrophes climatiques sous plusieurs hypothèses différentes. 

Il y a une énorme préparation matérielle à faire, il faudrait au plus vite réviser les zones constructibles et les normes de sécurité des nouveaux bâtiments, pour protéger la population et les infrastructures des inondations et des tempêtes croissantes. 

Les forêts

L’EUCRA remarque que les changements d’affectation des terres, et la déforestation, ont d’abord fragmenté les forêts et dégradé les conditions écologiques des forêts, notamment la biodiversité forestière, la production de bois et capture de carbone. Par exemple, les oiseaux forestiers souffrent déjà d’une perte d’habitat et pourraient disparaître localement. 30 % des forêts européennes ne comptent qu’une seule espèce d’arbre, et la plupart des plantations du même âge, ce qui les fragilise.

L’augmentation des températures a entraîné une saison de croissance jusqu’à 23 jours plus longue dans le nord de l’Europe depuis 1950. Des déplacements des espèces d’arbres forestiers ont été observés vers des altitudes et des latitudes plus élevées. La multiplication des sécheresses a réduit la croissance des forêts et augmenté la mortalité des arbres.  Les forêts ont également été touchées par les sécheresses climatiques. Des incendies de forêt apparaissent désormais dans divers endroits d’Europe et à des intensités inhabituelles dans le passé, des infestations d’insectes sans précédent ont été observées en Europe centrale. En conséquence, de nombreuses forêts d’Europe connaissent un déclin de la vitalité et une diminution de l’absorption du carbone. Les effets du changement climatique s’accentueront probablement, avec des conséquences importantes sur la composition des espèces et la séquestration du CO2.

Les tourbières

Les tourbières sont actuellement menacées surtout par l’activité humaine, telle que l’assèchement, et la baisse des nappes phréatiques. Le climat s’y ajoute progressivement, les températures les assèchent, et les pluies torrentielles apportent aussi des perturbations. L’assèchement les expose aux feux, et à la subsidence, ce qui cause des problèmes pour l’infrastructure.

Elles constituent le plus important réservoir de carbone terrestre, stockant environ 470 à 1 200 gigatonnes (Gt) de carbone à l’échelle mondiale et 10 % de l’eau douce de la planète. L’effet du réchauffement et du dégel du pergélisol sur les tourbières est déjà observable en Europe. Ce changement entraîne l’assèchement des tourbières, la mort des sphaignes, et plus de feux. L’augmentation des températures et l’évaporation entraîneront un assèchement supplémentaire des tourbières à court terme. La fonte du permafrost peut avoir des effets variés.

Les systèmes d’eau douce

Entre 1970 et 2010, les eaux de surface des lacs se sont réchauffées de 0,21-0,45°C par décennie.  Ce changement est plus rapide dans le nord de l’Europe. Une eutrophisation et une désoxygénation généralisée et à long terme sont évidentes.

Les impacts de la température sur les espèces et les communautés d’eau douce sont visibles ; ils sont plus forts pour les espèces adaptées au froid, et au niveau régional en Europe du Nord et en Europe du Sud. Les températures croissantes favorisent les explosions d’algues bleu-vert.

L’augmentation de la température influence également la période où les eaux sont libres de glace et la stratification thermique des lacs, avec des effets sur la biodiversité. Les changements de précipitations modifient les niveaux d’eau et les débits des ruisseaux et des rivières, avec de multiples impacts écologiques. Les événements météorologiques extrêmes peuvent entraîner l’effondrement des populations d’espèces sensibles. 

Le changement climatique provoque l’eutrophisation et le brunissement des eaux douces. Il cause aussi un appauvrissement en oxygène des fonds des lacs et limite les habitats appropriés aux espèces adaptées au froid et sensibles à l’oxygène. 

La connectivité des rivières diminue en raison des sécheresses.

Ces phénomènes s’aggraveront et une élévation de la température de l’eau de plus de 3°C provoquerait des changements irréversibles. Le rapport sur les risques de basculement du climat (GTP report 2023) mentionnait de plus un risque d’assèchement de certains lacs.

Les événements météorologiques extrêmes devraient augmenter et les fortes pluies pourraient provoquer une pollution de l’eau douce en raison du débordement des usines de traitement des eaux usées ou des résidus miniers. 

L’Arctique et les montagnes

L’Arctique se réchauffe plus rapidement que le reste de la planète, ce qui entraîne une augmentation des épisodes de chaleur extrême, une diminution de la neige et le dégel du pergélisol.

Les impacts des changements climatiques sur les écosystèmes ont été largement observés dans l’Arctique, la région verdit et par endroits brunit (signe de maladies). Les perturbations de la chaîne alimentaire entraînent un déclin des populations de mammifères terrestres.

La fréquence et la gravité des incendies de forêt dans le nord de l’Europe ont augmenté, créant un risque croissant de perte permanente de forêts, de rétroaction sur le cycle du carbone et de modification de la composition des espèces.

Certains types d’habitats uniques devraient disparaître de la partie européenne de l’Arctique au cours du 21e siècle.

Les impacts dans les régions montagneuses d’Europe comprennent une réduction de la couverture neigeuse, le retrait des glaciers, le dégel du pergélisol et l’augmentation ultérieure des glissements de terrain, une productivité accrue de la végétation et un déplacement des espèces vers des altitudes plus élevées. Dans les montagnes du Nord de l’Europe, la richesse d’espèces sur les sommets augmente, mais dans les montagnes méditerranéennes un déclin est visible.  En Europe, elles sont depuis longtemps exploitées par l’homme, les prairies sont surexploitées ce qui appauvrit leur écosystème.

Les écosystèmes arctiques et alpins ont été identifiés comme des points chauds de changements futurs et devraient subir un déplacement continu de la limite forestière, avec le remplacement associé de la végétation de la toundra par des forêts.

Les agroécosystèmes

La perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes constituent une menace environnementale majeure en Europe, et elles s’accélèrent. Le changement climatique est l’un des principaux facteurs. L’agrobiodiversité devrait diminuer dans toute l’Europe en réponse au changement climatique. Il est aussi un facteur important de la perte de biodiversité européenne dans les écosystèmes terrestres et d’eau douce.

Le réchauffement, la variabilité des conditions climatiques hivernales, l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes et l’allongement de la saison de végétation sont particulièrement préjudiciables aux pollinisateurs. Ils augmenteront par contre les infestations des ravageurs, et les espèces qui contrôlent ceux-ci sont en déclin. 

Les avantages du réchauffement comprennent une productivité accrue et la possibilité d’introduire de nouvelles variétés de cultures dans les systèmes de culture nordiques. Il provoquera des changements de calendrier saisonnier. Les risques climatiques pour les sols augmentent dans tous les scénarios climatiques, en particulier ceux de sécheresse et d’érosion.

Il existe des preuves solides que le changement climatique a eu un impact croissant sur tous les types d’habitats européens au cours des 20 dernières années, en particulier sur les prairies, les zones humides et les tourbières ; en outre, le changement climatique sera probablement l’un des principaux moteurs du déclin de la nature à l’avenir. 

Les risques pour les écosystèmes terrestres et d’eau douce peuvent se répercuter sur d’autres secteurs tels que la sécurité alimentaire et hydrique, la santé humaine, les écosystèmes marins et côtiers et les environnements bâtis. Le rapport de l’Agence Européenne pour L’Environnement propose de nombreuses solutions ad-hoc pour protéger ces écosystèmes, mais la réduction du changement climatique est aussi très importante.

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