Climat

Le Pacifique accusé de favoriser la sécheresse en Californie

L’hiver a  encore été marqué par des températures extrêmes aux Etats-Unis (sécheresse en Californie, vagues de froid dans l’est des Etats-Unis). Des chercheurs de la NOAA ont analysé les caractéristiques climatiques susceptibles de favoriser ce type de phénomène. Différents mécanismes ont été avancés récemment en guise d’explication mais il semble de plus en plus que l’élément déclencheur se trouve dans le Pacifique.

Lors de l’hiver 2013-14, un monstre marin s’est approché du nord-ouest des Etats-Unis : le « blob ». Derrière ce nom de film d’horreur lancé par Nick Bond, climatologue à l’université de Washington State, se cache en fait une  poche d’eau chaude, très chaude, que l’on a commencé à observer aux abords des côtes américaines en août 2013. En 2014, elle est devenue encore plus chaude, et s’est rapprochée de la côte. Cette masse  de 2000 km de long pour 100 mètres de profondeur affiche des températures de 1 à 4°C supérieures à la normale.

Anomalies de températures pour le 16 janvier 2014 : fort réchauffement des eaux dans le Golfe d'Alaska (Source : Climate Reanalyzer (http://cci-reanalyzer.org), Climate Change Institute, University of Maine, USA)

Anomalies de températures pour le 16 janvier 2014 : fort réchauffement des eaux dans le Golfe d’Alaska (Source : Climate Reanalyzer (http://cci-reanalyzer.org), Climate Change Institute, University of Maine, USA)

Ce « blob » a été observé en même temps que la sécheresse en Californie et la vague de froid dans le nord-est des Etats-Unis. Devant ces phénomènes climatiques, les spécialistes du climat cherchent évidemment à trouver des explications puisque les anomalies ont atteint des niveaux encore jamais observés : record de chaleur en Californie mais aussi – et en même temps – record de froid à New York. Dans les deux cas les anomalies sont remarquables.

Pour en savoir plus, des scientifiques de la NOAA viennent de présenter les résultats d’une analyse des températures qui ont prévalu dans le Pacifique depuis le début du 20è siècle. Ce que l’on savait déjà, c’est qu’en moyenne La Niña conduit plutôt à des hivers secs en Californie. La Niña est la phase d’une oscillation naturelle caractérisée par des températures de surface de l’océan plus élevées que la moyenne dans l’ouest du Pacifique et moins élevées dans l’est. En conséquence, les précipitations pendant La Niña se font rares dans l’est de l’océan. Mais l’anomalie peut perdurer : les résultats de la NOAA publiés sur le site climate.gov suggèrent que la sécheresse  en Californie s’aggrave souvent l’année suivant un épisode La Niña, et cela même si le Pacifique tropical est revenu à des conditions neutres.

Cette caractéristique s’est vérifiée récemment. Une sécheresse en Californie a en effet commencé en 2011-12, au cours de la deuxième année d’une phase La Niña, et a persisté dans les années neutres 2012-2014.

Les chercheurs ont aussi suivi l’évolution de la poche d’eau chaude, le fameux « blob ». En 2012-2013, la masse d’eau chaude était coincée entre deux poches plus froides dans le Pacifique Nord. Mais à partir de l’automne 2013, le blob  a migré vers les côtes américaines. C’est dans cette zone du golfe d’Alaska que l’on a vu se former une crête de haute pression qui a détourné les tempêtes plus au nord, les empêchant d’humidifier la Californie. Ce système de hautes pressions a probablement favorisé l’anomalie chaude de la poche d’eau.

Mais pourquoi une telle crête anticyclonique s’est-elle formée au nord-ouest des Etats-Unis ? Certains scientifiques estiment que le phénomène est dû au réchauffement de l’ouest du Pacifique tropical, une région où l’on trouve les eaux les plus chaudes de la planète. Le réchauffement oriental est tel qu’il aurait perturbé la circulation atmosphérique de haute altitude jusqu’au nord-est du Pacifique, favorisant un système de haute pression dans cette région. Simon Wang, chercheur à l’université de Utah State, a constaté qu’un an avant un épisode El Niño les conditions dans le Pacifique favorisaient la sécheresse en Californie.

Le réchauffement de l’Arctique est l’une des autres explications aux hivers extrêmes aux Etats-Unis. Selon certains scientifiques, les situations récurrentes de blocage météo sont imputables au tracé sinueux du jet stream. L’atmosphère se réchauffe plus aux pôles qu’à l’Equateur et cela pourrait amener un jet stream plus sinueux qu’il ne l’est aujourd’hui, impliquant des vagues de froid ou des sécheresses  persistantes, selon Jennifer Francis, spécialiste du climat à la Rutgers University.

Toute la question est maintenant de savoir si la Californie peut espérer ces prochaines années un retour des précipitations. Les simulations des scientifiques de la NOAA suggèrent que la sécheresse peut persister pendant plusieurs années après un épisode La Niña jusqu’à ce que le Pacifique revienne à une phase chaude El Niño, censé être plus propice à des précipitations en Californie. Un El Niño a finalement émergé début 2015 mais il risque de ne pas suffire, d’autant qu’il faudrait qu’il soit actif en hiver, la saison où les précipitations pourraient vraiment soulager la Californie.

Les prévisions dévoilées en avril 2015 donnent 70% de chances pour que les conditions actuelles El Niño durent tout l’été dans l’hémisphère Nord, mais sa persistance jusqu’à l’hiver, la saison humide en Californie, est incertaine.

Enfin, une donnée importante est à prendre en compte : le retour à une Oscillation décennale du Pacifique (PDO) postive depuis le début de l’année. La PDO est un peu la version long terme d’El Niño avec des phases d’une vingtaine d’années (alors qu’El Niño dure 12 à 18 mois mois et survient tous les 2 à 7 ans). Depuis 1998, la PDO est dans une phase négative peu propice à forts phénomènes El Niño. Mais les niveaux actuels sont les plus élevés (sur janvier-mars) depuis 1941. Une configuration qui pourrait favoriser des événements El Niño plus marqués que ces dernières années et tirer la température moyenne globale vers le haut, tout en apportant les pluies tant espérées en Californie.

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