Un accord a enfin été trouvé au niveau international pour éviter l’élévation des températures au-dessus du seuil considéré comme dangereux. L’objectif a été ratifié lors de la COP21 à Paris par près de 200 pays. Les Etats se sont engagés sur des réductions d’émissions chiffrées mais les promesses sont pour l’instant largement insuffisantes au regard de l’ambitieux programme de contenir le réchauffement sous les 2°C par rapport à l’ère préindustrielle (c’est à dire avant 1900).
L’objectif de contenir le réchauffement climatique concerne le monde entier mais ce sera bien la somme des contributions des pays pris individuellement qui assurera ou non la réussite effective de l’accord conclu à la COP21. Aucune mesure contraignante n’est prévue et il faut désormais se tourner vers les engagements pris en amont du sommet pour savoir comment le mécanisme va être concrètement mis en oeuvre. Il n’en reste pas moins que la COP21 a débouché sur un compromis historique. Pour rester sur la vague d’optimisme qui a suivi l’accord, mieux vaut cependant ne pas trop se pencher sur les chiffres (donc zapper cet article).
Pour résumer, les Etats se sont engagés à limiter le réchauffement sous les 2°C, voire 1,5°C si possible. Quelques semaines avant la COP21, ils avaient présenté des engagements de réduction des émissions qui ont été ajoutés en annexe de l’accord. Le problème, c’est que les promesses conduiraient quand même à une élévation des températures d’environ 3°C, a reconnu l’ONU juste avant l’ouverture de la COP21. Un message peu vendeur mais néanmoins honnête. Il va donc y avoir du travail lors des prochaines négociations pour combler l’écart entre les intentions et les actions. L’espoir réside désormais dans de prochaines discussions qui pourrait permettre (l’engagement est désormais pris !) de réduire davantage le largage de gaz à effet de serre dans l’atmosphère afin de limiter le réchauffement à 1,5 – 2°C.
Tournons-nous maintenant vers ces fameux engagements – non contraignants – de réduction d’émissions : ils portent sur l’intervalle 2015-2030. Voici quelques chiffres pour mesurer la difficulté de la tâche. Selon une estimation réalisée en 2012 par la Climate Change Authority (émanation du gouvernement australien), il ne fallait pas émettre plus de 1000 milliards de tonnes de CO2 entre 2000 et 2050 pour avoir une chance de limiter le réchauffement à 2°C (par rapport à l’ère préindustrielle). Cela équivaut à environ 1700 milliards tonnes en équivalent CO2 (un chiffre qui prend en compte les autres gaz à effet de serre). Il s’avère qu’un organisme indépendant, le Climate Action Tracker (qui regroupe plusieurs organisation, dont le PIK, le très sérieux Potsdam Institute for Climate Impact Research), a évalué le réchauffement qui déboucherait des contributions remises par les Etats.
Notez au passage que les chiffres des émissions de CO2, équivalent CO2, carbone, équivalent carbone, prenant en compte (ou pas) l’usage des sols sont extrêmement complexes à manipuler et sont propices à de nombreuses erreurs pour qui souhaite les utiliser.
Pour le moment, 158 nations représentant 94% des émissions de gaz à effet de serre, ont chiffré leurs engagements à l’horizon 2030. D’après le Climate Action Tracker, les promesses des Etats aboutiraient, si l’on ajoute à l’après 2030 des projections d’émissions, à un réchauffement de 2,7°C en 2100. En octobre 2015, ce même Climate Action Tracker, repris par l’ONU, parlait plutôt d’un réchauffement de 3°C. Le chiffre a été revu à la baisse, c’est un fait, et la principale raison semble être le nouvel objectif que ce sont fixés les Etats. Ce point est tout de même à noter : les engagements réels des Etats n’ont pas été modifiés et la prévision est passée de +3°C à +2,7°C. Pourquoi ? Probablement parce que les prévisions d’émissions après 2050 ont été diminuées… Or il s’avère que l’après 2050 n’a pour le moment fait l’objet d’aucun engagement chiffré de la part des Etats. On peut voir ci-dessous l’évolution des projections centrales d’émissions annuelles entre 2010 et 2100, en milliards de tonnes équivalent CO2 :
2010 | 2030 | 2060 | 2090 | Total | |
Projection octobre 2015 | 47 Gt CO2/an | 54 | 43 | 37 | 4064 |
Projection décembre 2015 | 47 | 53 | 41 | 30 | 3850 |
Bref, outre ce léger élan d’optimisme pour l’après 2050, l’important est de mieux cerner les enjeux des années à venir, qui concernent les gouvernements actuellement aux commandes des Etats. Autant dire tout de suite que l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C va être difficile à tenir au regard des émissions actuelles, qui sont d’environ 50 milliards de tonnes équivalent CO2. Sur le budget de 1700 Gt, la bagatelle de 719 a déjà été consommée entre 2000 et 2015. Il ne reste donc plus que 981 Gt de CO2 équivalent. Si la tendance du Climate Action Tracker en fonction des engagements pris dans le cadre de la COP21 se confirme, le budget « 2°C » serait intégralement englouti dès 2033. Il ne faudrait plus alors émettre le moindre gramme de CO2 par la suite pour avoir une chance (66,7% exactement) de limiter la hausse à 2°C.
2015 | 2020 | 2025 | 2030 | 2035 | 2040 | 2045 | 2050 | |
Emissions CO2-e cumulées (milliards de tonnes) | 719 | 973 | 1233 | 1498 | 1759 | 2013 | 2260 | 2497 |
La Chine s’est engagée à réduire ses émissions mais seulement à partir de 2030. Les Etats-Unis ont promis de réduire leurs émissions de 26 à 28% en 2025 par rapport à 2005. L’Union Européenne annonce une baisse de 40% d’ici 2030. L’Inde s’engage simplement à réduire son « intensité carbone » (c’est à dire les émissions de CO2 relatives au PIB) de 33 à 35% en 2030 par rapport à 2005. Le bilan de tout cela peut se lire sur le graphique ci-dessous, où l’on voit le décalage entre les projections liées aux engagements de la COP21 et les scénarios permettant avec de bonnes chances de rester sous 2°C et 1,5°C (pour ce dernier, des émissions negatives seraient requises en fin de siècle).
Parmi les quatre grands scénarios retenus par le GIEC pour tenter de prévoir l’évolution des températures à long terme, les deux plus proches de la tendance actuelle, avec les engagements de la COP21, sont le RCP 6.0 qui prévoit un réchauffement compris entre 2 et 3,7°C à la fin du 21è siècle par rapport à la période 1850-1900 ; et le RCP 4.5 qui prévoit quand à lui entre 1,7°C et 3,2°C en 2100.
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Merci pour cette mise au point. Il faut noter en outre que les scénarios RCP 6,0 et 4,5 s’arrêtent en 2100. Or, la température continuera à augmenter bien au delà de cette date, si l’effet de serre ne diminue pas. On sait déjà que l’effet de serre actuel est inédit depuis au moins 3 Ma et conduirait à terme à une hausse des températures mondiales de 3°C environ.
Si les engagements pris dans le cadre de la cop21 sont insuffisants pour satisfaire l’objectif des 2°C à la fin du siècle, que dire alors du futur lointain…
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Les chiffres qui conduisent à 1OOO gt CO2 équivalent en 2033 sont ceux du Climate Action Tracker. Le Global Carbon Project avait déjà annoncé qu’il serait atteint en 2040. Quand aux scénarios RCP 6.0 et 4.5, ils ont fait l’objet de projections sans modèles à l’horizon 2300 (Van Vuuren, 2011) : le forçage radiatif serait maintenu, contrairement à RCP 2.6. On peut s’attendre donc à des températures stables après leur pic en 2100. Le scénario RCP 8.5 a été prolongé, avec une poursuite de la hausse du forçage radiatif à plus de 12 w/m2, conduisant à un réchauffement de 8°C après 2250.
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Ah, merci. Je ne savais pas que les projections allaient si loin avec RCP 4,5 et 6,0.
Par contre, vous m’étonnez beaucoup lorsque vous dites que la température se stabiliserait après un pic en 2100! Ne faudrait-il pas des siècles pour que les océans absorbent assez de chaleur pour stabiliser le système climatique? Si le forçage radiatif est maintenu après 2100, je doute que le réchauffement ne se poursuive pas.
Par contre si l’effet de serre diminue, on a une chance.
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Ce sont des projections qui ne sont pas tirées des modèles. En fait, je cite une étude de Van Vuuren de 2011 sur les rcp poursuivis après 2100. Pour les rcp 6 et 4.5, malgré la forte baisse des émissions, le forçage se maintient à un haut niveau. Le rcp 6 se traduirait par une poursuite du réchauffement après 2100, le rcp 4.5 par une lente stabilisation. Le rcp 8.5 par une envolée des températures au-delà de 2100. Les températures auront déjà augmenté de plusieurs degrés. Par contre, la fonte des glaces se poursuivra dans tous les scénarios.
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