D’après une nouvelle étude publiée dans la revue Nature, une élévation du niveau des mers de 2 mètres est à craindre d’ici la fin du siècle. D’autres articles ont récemment fait état de risques similaires, allant au-delà des prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC). Car depuis le dernier rapport du GIEC, en 2013, les scientifiques ont découvert que l’Antarctique était peut-être plus fragile qu’on ne le pensait.
Dans la revue Nature, des scientifiques viennent de conclure que l’Antarctique avait à lui seul le potentiel pour conduire à une élévation du niveau des océans d’un mètre d’ici 2100. Cela pourrait même être plus de 15 mètres en 2500 si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent sans relâche. L’élévation du niveau des mers pourrait donc être de 2 mètres en 2100 en considérant l’ensemble des contributions (le Groenland, les autres glaciers, l’expansion thermique). Dans le pire des scénarios, c’est la hausse des températures de l’air, plus encore que le réchauffement des océans, qui deviendra la principale menace.
Il y a une bonne nouvelle cependant : l’Antarctique contribuera peu à la hausse si le réchauffement est limité à 2°C (il est déjà de 1°C par rapport au niveau préindustriel). Précisions tout de même qu’au rythme actuel d’émissions de CO2, les 2°C seront scellés dès 2037.
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont pris en compte des mécanismes déjà connus mais qui n’avaient encore jamais été incorporés dans un modèle. Le rapport publié par le GIEC en 2013 tablait sur une contribution mineure de l’Antarctique à la hausse du niveau de la mer. Juste quelques centimètres sur le mètre d’élévation prévu par le GIEC dans le pire des scénarios… Le problème, c’est que le modèle utilisé alors ne permettait pas de reproduire la hausse du niveau de la mer qui a eu lieu lors des précédents épisodes chauds : le dernier interglaciaire, il y a 125 000 ans, ou le Pliocène, il y a 3 millions d’années. Il y avait donc quelque chose qui n’allait pas dans les modèles. Les auteurs de l’étude parue dans Nature, Robert M. DeConto, de l’université du Massachusetts, et David Pollard, de l’université de Pennsylvanie, ont peut-être permis une avancée majeure en incorporant les plus récentes découvertes à leur modélisation 3D de la calotte de l’Antarctique.

Aujourd’hui, la fonte des plateformes de glace de l’Antarctique est principalement due au contact avec l’eau chaude. Mais d’après les deux chercheurs, dans les scénarios les plus pessimistes d’émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement atmosphérique devrait supplanter l’océan comme le facteur dominant de la débâcle. C’est la prise en compte de ce réchauffement atmosphérique qui a permis à DeConto et Pollard de proposer un modèle fidèle à la réalité.
Des périodes chaudes antérieures marquées par un niveau de la mer nettement supérieur à celui d’aujourd’hui – jusqu’à 20 mètres – laissent en effet penser que la calotte glaciaire de l’Antarctique a dû être un acteur majeur de l’élévation. Parmi les épisodes chauds qui retiennent l’attention des scientifiques, on trouve le dernier épisode interglaciaire, il y a environ 125 000 ans, marqué par une élévation du niveau de la mer de 6 à 9 mètres. Les températures étaient alors semblables à celles d’aujourd’hui. Le modèle des deux scientifiques a aussi été calibré par rapport au Pliocène. Il y a environ 3 millions d’années, le niveau de la mer était de 20 mètres supérieur au niveau actuel avec une concentration de CO2 d’environ 400 ppm, comme au début du 21è siècle.
Les modèles simulant l’évolution des calottes glaciaires ne permettaient pas jusqu’à aujourd’hui de reproduire l’élévation du niveau des mers qui a eu lieu lors de ces deux périodes. Elles furent pourtant à peine plus chaudes qu’actuellement… La seule explication serait donc une plus grande sensibilité de l’Antarctique, y-compris la partie Est réputée la plus stable.
DeConto et Pollard estiment qu’à ce jour les recherches sur l’Antarctique ont échoué à comprendre les changements passés en focalisant trop sur le rôle de l’océan dans la fonte par le dessous des plateformes de glace. Les deux scientifiques montrent que les grandes plateformes de glace des mers de Ross et de Weddell, ainsi que de nombreuses autres de taille plus réduite, sont également vulnérables au réchauffement atmosphérique. L’Antarctique de l’Est pourrait lui aussi être localement menacé.

Aujourd’hui, les températures estivales approchent voire dépassent légèrement 0°C à la surface de nombreuses plateformes. Il ne suffirait que d’un petit réchauffement atmosphérique pour augmenter considérablement la surface concernée par la fonte et les précipitations d’été. Les plateformes peuvent être déstabilisées par le dessus en raison des infiltrations à l’origine de crevasses. La prise en compte de ce mécanisme est la clé permettant de comprendre comment DeConto et Pollard ont réussi à proposer un modèle plus réaliste.
Le deuxième phénomène retenu par les deux chercheurs est l’effondrement des falaises de glace, une conséquence justement de cette fonte accélérée des plateformes. Une fonte totale des plateformes favorisée par le réchauffement de surface placerait ces falaises en première ligne avec un risque accru d’effondrement. Si l’on ne prend en compte que la fonte d’origine marine, on ne parvient pas à anticiper une telle menace sur les falaises de l’Antarctique.
Une autre étude publiée en 2016 par James Hansen, l’ancien directeur du principal laboratoire de science climatique de la NASA, et une quinzaine de scientifiques de haut niveau a fait état d’un risque encore plus important. Selon James Hansen et ses coauteurs, il y a un risque d’élévation du niveau de la mer de 5 mètres si les émissions de CO2 se poursuivent à un rythme soutenu d’ici 2100. Le scénario décrit par l’étude s’écarte là aussi de celui du GIEC mais pour des raisons différentes que chez DeConto et Pollard. Le modèle d’Hansen prévoit une fonte accélérée de l’Antarctique et du Groenland en raison de la stratification de l’océan liée à l’afflux d’eau douce. On en observe selon lui déjà les effets au sud du Groenland et dans certaines régions de l’Océan Austral. L’eau chaude se retrouverait sous une couche d’eau froide et ferait fondre les plateformes par le dessous à un rythme extrêmement rapide.

D’après James Hansen, la stratification de l’océan conduirait à un ralentissement important de la circulation océanique dans l’Atlantique Nord et surtout dans l’Océan Austral, avec un impact sur les températures de certaines régions du globe, comme l’Europe, qui pourraient paradoxalement se refroidir avec le changement climatique. Les conséquences les plus fâcheuses seraient selon James Hansen des tempêtes surpuissantes et surtout une hausse du niveau de la mer de plusieurs mètres qui mettrait en péril les régions côtières.

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