Climat

Un nouveau rapport sur le réchauffement des océans

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a publié en septembre un rapport rédigé par 80 scientifiques faisant le point sur le réchauffement des océans. L’étude montre que les ouragans intenses, les ondes de tempête, la fonte de la glace de mer dans l’océan Arctique et l’évolution d’El Niño sont favorisés par le réchauffement des mers du globe.

Plus de 93% du réchauffement observé depuis les années 1970 a été absorbé par les océans. Cela représente une quantité d’énergie phénoménale. Si la chaleur emmagasinée depuis 1955-2010 était restée cantonnée dans les 10 km les plus bas de l’atmosphère, les températures de l’air auraient augmenté de 36°C.

En captant ce surplus de chaleur, ainsi qu’une part du CO2 émis par les activités humaines, les océans ont donc pour le moment tempéré le changement climatique. Mais le réchauffement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre a déjà profondément affecté le milieu marin.

Evolution du contenu en chaleur de la Terre. Source : Skeptical Science

Evolution du contenu en chaleur de la Terre. Source : Skeptical Science

Bien que l’océan occupe 71% de la planète, les conséquences de son réchauffement ne sont pas encore suffisamment connues. C’est ce qui a motivé la publication de ce volumineux rapport par l’UICN. Voici quelques unes des observations notables du rapport montrant l’impact du réchauffement de l’océan sur le climat de la planète  :

• Le contenu en chaleur des 700 premiers mètres de l’océan est aujourd’hui 120×10²¹ J plus élevé qu’en 1995, l’équivalent de 240 fois la consommation mondiale d’énergie en 2013. L’hémisphère sud est le plus touché. L’impact de l’océan sur le réchauffement de l’atmosphère augmentera avec le temps.

• Depuis les années 1990, l’air au-dessus de l’Arctique (qui est un océan) se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. La perte de glace de mer, en réduisant l’albédo des régions polaires, entraîne une accélération du réchauffement. On peut voir ci-dessous à quel point la surface était réduite lors de l’année record 2012 :

Etendue de la glace de mer arctique en septembre 2012. Source : NSIDC.

Etendue de la glace de mer arctique en septembre 2012. Source : NSIDC.

Autre effet de l’amplification arctique : normalement, la couverture de glace isole l’océan relativement chaud de l’atmosphère plus froide en hiver. Mais les pertes de glace en été exposent davantage l’océan chaque automne, au nord de l’Alaska. Cela se produit à un moment où l’atmosphère se refroidit rapidement, ce qui augmente le contraste avec l’océan plus chaud. La conséquence est de réchauffer l’air au-dessus de l’océan, ce qui peut provoquer davantage d’ondes de tempête (rehaussement du niveau de la mer sur la côte causé par les vents d’une importante dépression) le long des côtes de l’Arctique, ce qui conduit à l’inondation plus fréquente des écosystèmes côtiers fragiles.

• La réduction de la glace de mer arctique va probablement se poursuivre. Il est possible que la réduction aille jusqu’à une quasi-disparition l’été dans les 5-15 prochaines années.

• L’étendue de la glace de mer de l’Antarctique a en revanche augmenté à un taux de ~ 1,3% par décennie, bien qu’il y ait une forte variabilité interannuelle. La péninsule Antarctique s’est réchauffée comme l’Arctique, mais le reste du continent, isolé, est pour le moment épargné. La destruction de la couche d’ozone est en partie responsable car elle a entraîné un renforcement des vents. Cela ne signifie pas que l’Antarctique est à l’abri : la fonte des plateformes de glace se fait par le dessous en raison du réchauffement de l’océan. Des études ont montré à quel point ces plateformes étaient importantes pour contenir la fonte des glaciers.

• Au cours des 20 dernières années, il y a eu une nette évolution des événements El Niño, avec un déplacement de l’emplacement moyen des anomalies de température de surface de la mer vers le Pacifique central. C’est aussi ce que l’on pouvait s’attendre à voir avec une oscillation décennale du Pacifique négative.

• Il y a eu une augmentation du nombre d’ouragans intenses (échelle Saffir-Simpson 3-5) à un taux de ~ 25-30% par °C de réchauffement de la planète. On peut citer notamment l’ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle Orléans en 2005 où le typhon Haiyan, qui a fait d’importants dégâts en 2013.

Ouragan Sandy en octobre 2012. Source : NASA Earth Observatory/ Robert Simmon /NASA/NOAA GOES Project Science team.

Ouragan Sandy en octobre 2012. Source : NASA Earth Observatory/ Robert Simmon /NASA/NOAA GOES Project Science team.

Le réchauffement de l’océan a permis la formation d’un ouragan dans l’Atlantique Sud, une première depuis le début des observations satellites dans les années 1970. Cette région était pourtant censée être peu propice aux ouragans en raison d’une température de surface de la mer insuffisante. Mais en 2004, les conditions furent favorables au développement de l’ouragan Catarina au large du Brésil.

• Il y a eu une augmentation significative du nombre d’icebergs dans l’océan depuis les années 1990. Il y a notamment une augmentation de la formation d’icebergs venant de l’Antarctique de l’Ouest et de la Péninsule antarctique, une tendance qui devrait se poursuivre à l’avenir.

• Globalement, il y aura probablement une hausse de la température de l’océan de 1 à 4 °C d’ici 2100.

• En raison de la stratification accrue de l’océan, la circulation méridionale est susceptible de diminuer au cours du prochain siècle, bien qu’il n’y ait pas de consensus quant au rythme d’évolution.

• Il y a des incertitudes quant à l’avenir de la plupart des grandes téléconnections océan-atmosphère.

8 réponses »

    • Bonsoir Randomjack (ou doit-on t’appeler plutôt A? ou Jack ?)
      Merci pour tes liens intéressants, toujours en lien avec les dernières actualités.
      Le warm blob a l’air effectivement de revenir dans le Golfe d’Alaska… Est-ce dû à la PDO, aux pressions élevées dans la région ? Cela n’a pas encore été tranché il me semble et ça sera intéressant à suivre dans les prochains mois voir les prochaines années.
      Concernant l’Antarctique, tes liens sont intéressants aussi et je ne sais pas s’il faut les relier au réchauffement de l’Antarctique depuis quelques mois. Les prévisions NCEP CFSv2 indiquent en tous cas que l’Antarctique sera chaud en janvier donc cela ne semble pas une bonne nouvelle pour la plateforme Larsen C.

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  1. Ce qui me frappe, c’est ce calcul d’après lequel « Le contenu en chaleur des 700 premiers mètres de l’océan est aujourd’hui 120×10²¹ J plus élevé qu’en 1995, l’équivalent de 240 fois la consommation mondiale d’énergie en 2013 ». Donc, à un instant donné, les océans absorbent 12 fois plus d’énergie que l’Humanité n’en consomme! (et encore, ce chiffre doit être plus élevé aujourd’hui). C’est une donnée qui me semble intéressante pour expliquer la fragilité du système climatique, qui peut se mettre à évoluer brutalement à partir d’une perturbation qui paraît faible en proportion.

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    • Le calcul est tiré de cette étude et vise surtout à faire prendre conscience de la quantité d’énergie que cela représente. Le déséquilibre radiatif dû aux gaz à effet de serre réchauffe essentiellement l’océan. Ce déséquilibre est dû non seulement aux émissions récentes mais aussi à l’accumulation des GES.

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