Climat

Nouvelle prévision de dégel du pergélisol

Le réchauffement climatique dégèlera 20% de pergélisol de plus que prévu, selon une nouvelle étude. Cette débâcle pourrait libérer des quantités importantes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre.

Le pergélisol est un sol congelé, exposé à une température inférieure à 0° C pendant au moins deux ans. De grandes quantités de carbone sont stockées dans la matière organique piégée dans les sols de pergélisol glacé. Lorsque le pergélisol décongèle, la matière organique commence à se décomposer, libérant des gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone et le méthane.

Une nouvelle étude menée par des scientifiques des universités de Leeds, d’Exeter et du Met Office révèle que le permafrost est plus sensible aux effets du réchauffement climatique qu’on ne le pensait jusqu’à présent.

L’étude, publiée dans Nature Climate Change, suggère que près de 4 millions de kilomètres carrés de sol gelé pourraient être perdus pour chaque degré supplémentaire de réchauffement. Actuellement, le permafrost couvre une surface de 15 millions de km². Le pergélisol recouvre 24% des terres de l’hémisphère nord.

Carte du permafrost (source : NSIDC)

Les derniers modèles climatiques prévoient tous un réchauffement des sols et donc une fonte du permafrost à l’avenir mais l’ampleur de la surface gelée varie grandement selon  les différentes prévisions.

Les auteurs de la nouvelle étude ont établi une corrélation entre  la distribution du permafrost et l’évolution des températures actuelles. Leurs résultats ont été utilisés dans les projections climatiques pour déduire une carte future du pergélisol.

La présence du permafrost ne dépend pas seulement de la température de l’air, elle dépend aussi de la topographie, des propriétés thermales des sols, de la neige et de l’hydrologie. Cependant, les scientifiques ont découvert qu’il était possible d’établir une corrélation entre les températures de surface et la présence de permafrost.

L’accord de Paris adopté fin 2015 lors de la COP21 a fixé comme objectif de contenir le réchauffement sous les 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, voire 1,5°C si possible. La température s’est déjà élevée d’environ 1°C.

La nouvelle méthode utilisée par les scientifiques permet d’évaluer l’impact des objectifs de la COP21 sur le permafrost. Si le climat se stabilise à +2°C, la surface de pergélisol serait réduite de 40%. Une stabilisation à +1,5°C sauverait environ 2 millions de km² de pergélisol.

On estime qu’il y a plus de carbone contenu dans le pergélisol congelé que dans l’atmosphère actuelle (qui en contient  850 milliards de tonnes environ). Ces sols gelés occupent une partie importante du Groenland, de l’Alaska, du Canada et de la Russie. C’est justement dans ces régions arctiques que l’élévation des températures est la plus importante. L’Arctique se réchauffe environ deux fois plus vite que le reste du monde et le pergélisol commence à dégeler dans de vastes zones.

Avec un climat plus chaud, le dégel du permafrost entraînerait un largage de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, ce qui pourrait favoriser l’élévation des températures. A son tour, un climat plus chaud augmenterait encore le stress sur le permafrost.

L’impact climatique serait non négligeable. D’après une étude publiée en 2014 dans Environmental Research Letters, la fonte du permafrost est susceptible d’entraîner un réchauffement de 0,29°C d’ici 2110, sachant 60% du carbone dû à la fonte du permafrost serait relâché après 2100.

La décongélation du pergélisol a des conséquences potentiellement préjudiciables, pas seulement pour les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour la stabilité des bâtiments situés dans des villes à haute latitude.

Environ 35 millions de personnes vivent dans des régions recouvertes de pergélisol. Un dégel important pourrait déstabiliser le sol, menaçant d’effondrement routes et bâtiments.

Source : « An observation-based constraint on permafrost loss as a function of global warming » – S. E. Chadburn, E. J. Burke, P. M. Cox, P. Friedlingstein, G. Hugelius, S. Westermann (Nature Climate Change).

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19 réponses »

  1. À relativiser effectivement selon la vitesse de fonte : le méthane est dégradé dans l’eau et le sol par des bactéries méthanotrophes.
    Toujours est-il que cela pourrait aussi destabiliser les activités d’extraction voire même provoquer des relargages inattendus à l’image de la fuite de Porter Ranch.
    https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2017/04/22/des-capteurs-sismiques-pour-prevoir-les-explosions-de-pingos-seismic-sensors-to-predict-the-explosions-of-pingos/

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  2. « L’explosion » du méthane est peut-être en slow motion.
    https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2017/05/11/la-fonte-du-permafrost-en-siberie-suite-the-melting-of-permafrost-in-siberia-continued/

    Je n’ai pas cherché s’il y a des études poussées sur le phénomène de ces petites poches, ces petites « bulles » qui resteraient plus ou moins mobiles dans un sol stratifié : plus dense et encore gelée en profondeur et sa surface faite de limons plus humide et maléables ainsi que des végétaux (tisseurs ?); surface poreuse ou prête à être crevée comme une bulle de savon.
    Manque de temps et paresse sur le gâteau, je suis preneur de ce que vous avez. 🙂

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    • Désolé, je n’ai pas vu d’étude sur ce sujet spécifique, à part ce rapport de terrain publié dans le Siberian Times. En revanche, merci de m’avoir indiqué celle sur l’IPO, je viens de poster un article dessus.

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      • Dommage, c’est un phénomène (vu les quelques vidéos) qui me rappelle une étrange suprise d’un jour, semblable aux sables « mouvant » sur des plages sablonneuses en Normandie.

        Pour les liens, c’est fait pour. 😉

        D’ailleurs, pour ceux que les relevés de METOP pour les émission de méthane intéressent, voici l’adresse que je garde dans mes favoris : http://www.ospo.noaa.gov/Products/atmosphere/soundings/iasi/
        Parfois j’observe ça avec les données de ClimateReanalyzer (http://cci-reanalyzer.org/) en ce qui concerne les anomalies de températures dans la zone polaire boréale.

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  3. Une grande vague d’expulsions de méthane contenu dans le plancher océanique a eut lieu à la déglaciation, mais ça pourrait continuer avec le réchauffement actuel des eaux arctiques en eau peu profonde (perte de glace et anomalies des températures de surface).
    https://phys.org/news/2017-06-domes-frozen-methane-blow-outs.html

    J’imagine qu’1°C de plus – et aucune idée de la façon dont peut se modifier la thermocline avec les eaux douces de la fonte, la stratification et l’entrée des eaux plus chaudes de la mer de Bering dans cette gyre polaire – pourrait libérer beaucoup de ces poches :
    http://large.stanford.edu/courses/2010/ph240/harrison1/
    http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/intro.pt/hydrates.methane.htm

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  4. Alarmant pour tout être censé. Beaucoup manquent à l’appel et non des moindres. Une seule alternative possible, la « croissance verte » ou la décroissance. A défaut, nous allons cuire.

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    • Quand je lis/entends « croissance verte » maintenant, j’ai plus en tête de voir une croissance des zones forestières/friches au détriment de notre croissance civilisationnelle (étalement urbain, démographique, agraire, économique, technologique). TINA.

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