Une nouvelle étude précise comment les périodes d’accélération et de ralentissement du réchauffement climatique sont modulées par les changements de température à la surface des différents bassins océaniques. Dans les cas d’accélération, le réchauffement de surface dans tous les océans agit conjointement pour générer de forts taux de réchauffement global. Dans les cas de ralentissement, le refroidissement induit par le Pacifique tropical est le principal facteur. Mais lors du dernier hiatus des années 2000, il a été atténué et même dépassé par le réchauffement des autres océans.
Depuis le début des observations, à la fin du XIXe siècle, la température moyenne globale a fait l’objet de fluctuations multidécennales avec deux ralentissements au milieu du XXe siècle et au début du XXIe siècle (entre 1940-1976 et 2001-2012) et deux fortes accélérations au début et à la fin du XXe siècle (entre 1908-1945 et 1975-1998).

De nombreuses études ont expliqué le récent hiatus du réchauffement climatique par le refroidissement du Pacifique oriental mais les causes du refroidissement au milieu du XXe siècle et des différences d’intensité distinctes entre les ralentissements et les accélérations restent incertaines.
Une nouvelle étude publiée par des chercheurs chinois sous la direction de Shuai-Lei Yao dans Nature Climate Change précise grâce à une analyse basée sur des modèles le rôle des différents bassin océaniques dans le rythme d’évolution des températures. Précisons qu’entre 2014 et 2017, le réchauffement a de nouveau accéléré mais cette période n’est pas spécifiquement analysée par les auteurs de l’étude.
Cette étude montre que le forçage du Pacifique joue un rôle essentiel dans les taux de réchauffement mais les changements de températures de surface de la mer (SST) dans d’autres bassins exercent également des influences importantes.
Le refroidissement du milieu du XXe siècle est dû au refroidissement des SST dans le Pacifique tropical et l’Atlantique, en partie compensé par le réchauffement de l’océan Austral. En revanche, au cours du dernier hiatus, le refroidissement intense induit par le Pacifique tropical est largement compensé par les effets de réchauffement des autres océans.
Autrement dit, le hiatus des années 2000 aurait pu être plus prononcé si les autres bassin océaniques n’avaient pas compensé le refroidissement du Pacifique. Il faut dire qu’entre cette fluctuation et les autres, le contenu en chaleur des océans a considérablement augmenté.
En outre, on constate que les tendances observées au cours des deux périodes d’accélération sont statistiquement significatives dans les données d’observation alors que celles des deux périodes de ralentissement sont moins spectaculaires, en particulier pour le ralentissement du début du XXIe siècle. De plus, le dernier ralentissement n’est pas constamment négatif selon les différentes observations et est statistiquement insignifiant, d’où la polémique sur l’expression « hiatus ».
Le ralentissement récent est lié au refroidissement de la surface de la mer du Pacifique tropical, dans le cadre de l’oscillation interdécennale du Pacifique (IPO). C’est un mode majeur de variabilité naturelle dans le Pacifique avec une phase positive qui favorise des températures élevées à la surface du Pacifique, et une phase négative, qui promeut des périodes de refroidissement. C’est un phénomène dont les caractéristiques sont similaires à celles d’El Niño ou de l’Oscillation décennale du Pacifique (PDO), à ceci près qu’elle s’exerce sur une échelle d’une quinzaine d’années contre quelques mois pour El Niño, et qu’elle concerne une zone plus grande que la PDO.

Les différences de changement de SST lors des périodes de ralentissement et d’accélération ressemblent étroitement au modèle de la phase froide de l’IPO ou à une variabilité décennale / multi-décennale comparable à celle de La Niña. Mais cela n’explique pas tout. Alors que les SST montrent un réchauffement similaire dans le Pacifique tropical entre les deux périodes d’accélération, le refroidissement équatorial du centre-est du Pacifique en 2001-2012 est beaucoup plus fort qu’en 1940-1976. Sa magnitude est également supérieure à celle des deux périodes d’accélération. Le réchauffement amplifié de la température de surface polaire au début du XXIe siècle a compensé les effets du refroidissement induits par le Pacifique tropical.
Une caractéristique importante pendant les deux périodes d’accélération est que le réchauffement significatif de SST apparaît dans presque tout l’océan global, à part des petits refroidissements locaux dans certaines régions extratropicales. En revanche, le refroidissement des SST pendant les deux périodes de ralentissement ne s’étendent pas à l’océan global. En particulier, un réchauffement étendu est apparu dans l’Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique extratropical en 2001-2012, contrairement au fort refroidissement du Pacifique tropical. Ces résultats suggèrent que, si le réchauffement et le refroidissement du Pacifique tropical jouent un rôle majeur, les changements de SST dans d’autres bassins peuvent également avoir des influences importantes sur les taux de réchauffement climatique.
Pour tenter de quantifier les contributions relatives des changements individuels de SST océaniques aux taux réchauffement, les chercheurs ont réalisé un ensemble d’expériences de modèle de circulation atmosphérique générale dans lesquelles la tendance globale de SST pendant les deux périodes d’accélération et de ralentissement est divisée en six régions, incluant les trois océans tropicaux qui ont une influence prédominante sur la température de surface globale, mais aussi l’Atlantique Nord, le Pacifique Nord et l’océan Austral. Les simulations avec l’ensemble reproduisent fidèlement la tendance des SST et des températures de l’air au début et à la fin du vingtième siècle. Le modèle reproduit avec succès la tendance observée et le refroidissement terrestre au milieu du vingtième siècle. Le ralentissement récent, cependant, n’est pas bien simulé. Alors que les observations montrent un réchauffement atténué, le modèle simule un léger refroidissement au niveau global. C’est peut être en partie parce que l’amplification arctique n’est pas capturée par les modèles faute de prise en compte de l’évolution de la glace de mer ne sont pas prescrits dans le modèle.
Au milieu du XXe siècle, le refroidissement dans le Pacifique tropical a joué un rôle important dans le refroidissement global, presque égal aux contributions combinées de l’Atlantique Nord, de l’Atlantique tropical et du Pacifique Nord. En revanche, le réchauffement des SST dans l’Océan Austral et l’Océan Indien tropical a augmenté la température globale de 30%, ce qui tend à compenser en partie les effets de refroidissement des autres océans.
L’effet de compensation entre les différents océans est encore plus frappant au cours de la récente période de ralentissement. Le fort refroidissement dans le Pacifique tropical génère un refroidissement global d’environ -0,059 °C par décennie. Cependant, le refroidissement est totalement compensé, voire dépassé par les effets combinés du réchauffement de l’Atlantique tropical et de l’océan Indien, de l’océan Austral, du Pacifique Nord et de l’Atlantique Nord.
D’après une étude de G. Meehl publiée en juin 2016, la prévision pour 2015-2019 montre une phase positive de l’IPO avec des températures au-dessus des normales dans l’est du Pacifique, s’étendant vers le nord-est. Une situation donc à l’opposée de celle observée dans les années 1998-2012. Sur la période 2013-2022, les scientifiques prévoient un réchauffement moyen de +0,22°C par décennie, trois fois plus que le rythme de +0,08°C observé entre 2001-2014. La fourchette haute des périodes d’IPO positive peut amener un réchauffement de plus +0,30°C par décennie, selon les chercheurs.

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