Il n’y a pas eu de hiatus dans le réchauffement climatique entre 1998 et 2012, selon une nouvelle étude. Les auteurs affirment que leur reconstruction des données de l’Arctique améliore l’estimation de la température globale pendant cette période.
Les auteurs chinois d’une étude publiée dans Nature Climate Change ont recalculé les températures moyennes mondiales de 1998 à 2012 et constaté que le taux de réchauffement de la planète avait continué à augmenter au rythme de 0,112°C par décennie. C’est donc bien plus que les 0,05°C par décennie calculés auparavant. Un chiffre qui avait été présenté comme reflétant une pause ou un hiatus dans le réchauffement climatique.
D’après le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la température moyenne à la surface du globe s’est en effet élevée à un rythme de 0,05°C par décade entre 1998 et 2012 alors qu’entre 1951 et 2012 la moyenne décennale a été de 0,12°C.
Mais un premier coin a été enfoncé en 2015 par une étude de Thomas Karl, de la NOAA, qui avait réévalué la période 1998-2012 à +0,086°C. Cette analyse prenait en compte de nouvelles données des températures de surface des océans. L’observation de l’océan ne cesse en effet d’évoluer et les données issues des bouées et des bateaux sont plus nombreuses qu’auparavant. Une correction avait ainsi été effectuée par la NOAA pour prendre en considération ce changement et la différence de mesure entre les bouées et les bateaux. La NASA utilise depuis également les nouvelles données pour la température de surface de la mer.
Il y avait donc déjà de quoi remettre en cause l’idée d’une pause, d’autant plus qu’elle prend pour point de départ 1998, l’année du super El Niño. Nécessairement, les températures ont été dopées cette année là et le globe s’est refroidi par la suite.
Comme l’a montré une étude menée en 2014 par Matthew England, un renforcement des des vents d’est sans précédent a été observé lors des années 2000, sans équivalent sur les 100 dernières années. Ces vents ont permis d’enfouir davantage de chaleur dans l’ouest de l’océan Pacifique, faisant remonter des eaux plus froides à la surface de l’autre côté, à l’est. De quoi refroidir la planète de 0,1 à 0,2°C.
Le retournement des conditions dans le Pacifique a semblé confirmer cette analyse : on a pu voir par la suite que 2014, 2015 et 2016 avaient été marquées par des records de chaleur, à la faveur du relargage de la chaleur qui avait continué à s’accumuler dans les océans. C’est en effet vers l’océan que va l’essentiel de l’énergie captée par les gaz à effet de serre.

Le débat concernant une pause du réchauffement pourrait donc sembler clos… Mais les auteurs chinois de la nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change en rajoutent une couche. Avec de nouvelles méthodes pour incorporer les données de température de l’Arctique dans la mesure de la température globale.
On sait que la plupart des estimations actuelles sont biaisées par le fait que l’Arctique ne dispose pas d’un solide réseau d’instruments pour collecter les données de température. Certaines agences, comme le Met Office, omettent tout simplement les régions non couvertes alors que d’autres, comme la NASA, et dans une moindre mesure la NOAA, utilisent une méthode appelée interpolation pour combler les manques. Il s’agit d’estimer les valeurs des régions non couvertes grâce aux stations les plus proches.
Pour améliorer l’ensemble de données dans le temps et dans l’espace, l’équipe chinoise s’est appuyée de son côté sur les données de recueillies par le programme Arctic Buoy Programme/Polar Exchange (IABP/POLES) entre 1979 et 2004. Ces données issues des bouées et des stations disséminées en Arctique apportent une couverture spatiale supplémentaire.
Un procédé statistique leur a permis en outre d’étudier les modes spatiaux de variabilité et comment ils changent avec le temps. Les scientifiques chinois ont ainsi pu reconstruire les températures avant 1979 et après 2004, quand les données IABP/POLES n’étaient pas disponibles.
Pour le reste du globe, l’équipe a utilisé les températures de surface nouvellement corrigées par Thomas Karl et la NOAA.
Au final, l’analyse des chercheurs chinois montre que le globe s’est réchauffé au rythme de 0,112°C par décennie entre 1998 et 2012. Il n’y a donc pas de hiatus par rapport à 1951-1998, période pour laquelle la tendance est également de 0,112°C par décennie, d’après la reconstruction. La NASA, qui utilise l’interpolation pour offrir une vaste couverture des régions arctiques, et des données améliorées de températures de surface de la mer, obtient une tendance similaire pour 1998-2012 : 0,11°C par décennie.

La réévaluation menée par les chercheurs chinois est largement due à l’Arctique, dont le réchauffement a été six plus important, d’après l’article de Nature Climate Change : 0,755°C par décennie sur 1998-2012 ! A comparer avec les 0,11°C pour l’Arctique sur 1951-1998, identique à la tendance globale.
En écartant 1998 pour se dégager de l’influence d’El Niño, les scientifiques obtiennent 0,137°C pour 2000-2014. Pas vraiment une pause, donc, surtout si l’on considère les alizés déchaînés et le volcanisme sous-estimé des années 2000. D’après la NASA, la température globale est environ 0,3°C plus élevée en 2017 que lors de l’année 1998 dopée par El Niño.

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