Climat

Les effets longue distance des plateformes de glace en Antarctique

L’amincissement des plateformes de glace flottantes autour de l’Antarctique accélère l’écoulement des glaciers vers l’océan, contribuant ainsi à l’élévation du niveau de la mer. Selon une nouvelle étude, l’amincissement de petites portions des plateformes de glace sur la côte antarctique peut accélérer le mouvement des glaciers beaucoup plus loin qu’on ne le pensait jusqu’à présent, à des centaines de kilomètres.

On sait que les plateformes de glace qui entourent le continent blanc régulent le flux glaciaire de la terre vers l’océan. Jusqu’ici, on pensait que le flux de glace était surtout lié à la fonte à la base près de la ligne d’échouage, là où la glace devient flottante. Une étude publiée dans Nature Climate Change sous la direction de Ronja Reese affirme que la fonte en bordure et au milieu des plateformes peut aussi avoir des effets directs très loin à l’intérieur des terres. Ce qui pourrait augmenter la perte de glace et donc l’élévation du niveau de la mer.

À la suite de la désintégration de la plateforme Larsen B en 2002, les glaciers Hektoria, Green et Evans ont connu une accélération marquée, augmentant les flux annuels de glace de 2,7 km3 à 23,5 km3. Aujourd’hui, plus d’une décennie après l’effondrement de Larsen B, ces glaciers perdent encore de la masse à un rythme accéléré. Des caractéristiques similaires ont également été observées après l’effondrement des plateformes de glace Larsen A et Wilkins en janvier 1995 et en mars 1998.

Antarctique (source : Landsat Image Mosaic of Antarctica team – NASA)

La déstabilisation de la glace flottante dans certaines régions envoie un signal à 900 kilomètres sur la plus grande plateforme glaciaire de l’Antarctique, celle de Ross. Ce signal a une vitesse incroyable, semblable à la vitesse d’un tremblement de terre. Les observations montrent que la glace flottante qui entoure l’Antarctique s’amincit, d’où l’intérêt de calculer les conséquences pour les immenses masses de glace sur terre.

Les scientifiques ont effectué des simulations informatiques des écoulements glaciaires pour étudier l’impact possible du réchauffement climatique causé par les gaz à effet de serre. Ils délivrent ainsi une estimation de l’influence relative de chaque partie de la plateforme de glace sur le débit global de l’inlandsis antarctique.

Alors que l’air au-dessus de la plupart de l’Antarctique est constamment au-dessous du point de congélation, le principal risque pour la stabilité de la glace vient de la mer environnante. L’eau plus chaude au large qui accède aux cavités sous les plateformes de glace peut amincir la glace flottante. Comme cette glace est déjà dans l’eau, la fonte ne contribue pas à l’élévation du niveau de la mer. En revanche, la réduction des plateformes de glace peut avoir un impact énorme sur l’équilibre des masses de glace continentales. Ce processus est en fait la principale raison de la contribution actuelle de l’Antarctique à l’élévation du niveau de la mer.

C’est la première fois que l’impact de l’amincissement des plateformes de glace autour de l’Antarctique est quantifié de manière systématique.

Les scientifiques ont pu identifier les zones de glace flottante qui peuvent déclencher la réponse la plus forte. Ils ont constaté que les zones qui s’avèrent être essentielles à l’accélération de l’écoulement glaciaire à l’intérieur des terres se trouvent non seulement près des lignes d’échouage, mais aussi à la périphérie de certaines plateformes, souvent les plus proches des eaux environnantes de l’Antarctique qui sont plus chaudes et donc plus à risque. Dans les mers du grand sud, les couches inférieures de l’océan peuvent être plus chaudes que les couches supérieures qui sont plus proches de l’air froid au-dessus d’elles.

Reese et al. met en avant une grande variabilité spatiale pour ce qui est de la capacité des plateformes de glace à accélérer les glaciers en amont. En général, la réduction de la glace à proximité des lignes d’échouage des glaciers a des effets plus importants qu’au bord des plateformes.

Ainsi, les plateformes de glace Filchner-Ronne et Ross ont de forts effets de contrefort sur presque toute la ligne d’ancrage, ce qui est particulièrement inquiétant car c’est aussi l’emplacement où la fonte est la plus importante.

Pour le glacier de Pine Island, le plus grand contributeur à l’élévation du niveau de la mer en Antarctique, presque toute la banquise joue un rôle important de soutien. La fonte sur n’importe quelle partie d’une plateforme de glace confinée, comme à Pine Island, affecte l’ensemble. Le Pine Island se trouve dans la région très fragile d’Amundsen. La quantité de glace drainée par six des plus grands glaciers de l’Antarctique de l’ouest, notamment le Thwaites et le Pine Island, a progressé de 77% entre 1973 et 2013, selon une étude publiée en 2014.

Glaciers de la mer d’Amundsen, région de l’Antarctique de l’Ouest (source : NASA/GSFC/SVS)

3 réponses »

  1. Bonjour Johan,

    Ce qui pourrait être le raccourci de : la fonte accélérée de la banquise implique une élévation prochaine du niveau des océans.
    Le récent décrochage d’un grand bloc du glacier Pine Island n’est pas là pour rassurer (https://global-climat.com/2017/10/13/un-canal-sous-marin-qui-accelere-la-fonte-de-la-glace-en-antarctique/). Et il n’est pas impossible non plus que la plateforme Larsen C probablement déjà destabilisée depuis l’hiver austral dernier finisse par se désintégrer plus rapidement que ses voisines ; à ce propos, le projet MIDAS n’a pas livré d’autres publications depuis ?

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  2. Une autre plateforme confinée à fort effet de contre-fort, est celle d’Amery, de l’autre côté du continent par rapport au glacier du Pine Island. Elle se situe vers 70°S, soit à peine plus vers le sud que Larsen C qui commence à se déliter. En plus, cette plateforme stabilise la base du glacier Lambert, qui est l’un des plus vaste du monde et dont la fonte provoquerait une hausse du niveau marin de plusieurs mètres. Je ne m’y suis pas intéressé récemment, mais c’est une erreur, car c’est peut-être la prochaine bombe environnementale…

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