Même si le réchauffement est contenu sous les 2°C, le niveau de la mer risque d’augmenter de plus de 1,5 mètres d’ici 2300. Plafonner les émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible pour arriver à zéro émissions nettes en 2040 permettrait de limiter la hausse entre 0,7 et 1,2 mètres.
Une nouvelle étude publiée dans Nature Communications sous la direction de Matthias Mengel montre comment tout retard dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris pourrait affecter l’élévation du niveau de la mer d’ici 2300.
L’accord de Paris prévoit de rester bien en dessous des 2°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle. Cela implique de limiter les émissions mondiales de CO2 le plus rapidement possible puis d’arriver à zéro émissions nettes dans la seconde moitié du XXIe siècle. Cela reviendrait à équilibrer les émissions anthropiques par des puits.
Les auteurs de l’étude ont simulé l’élévation du niveau de la mer à l’horizon 2300 à partir de modèles climatiques. Deux scénarios ont été étudiés, que l’on peut qualifier d’optimistes en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
Le premier scénario, appelé « net-zero GHG emissions » suppose que la hausse future des températures sera inférieure à 2°C et qu’un équilibre entre les émissions et l’absorption des gaz à effet de serre sera atteint d’ici la fin du siècle.
Dans le deuxième scénario, appelé « net-zero CO2 emissions », les températures sont également stabilisées à des niveaux bien inférieurs à 2°C, mais toutes les émissions de GES ne sont pas équilibrées à la fin du siècle. Les températures baissent plus lentement en conséquence.

Les sources d’élévation du niveau de la mer sont la dilatation thermique, la fonte des glaciers et celle des calottes du Groenland et de l’Antarctique.
Le niveau de la mer continuera à augmenter dans presque tous les cas d’ici 2300. Le moment où le pic des émissions interviendra s’avère cependant déterminant. Chaque délai supplémentaire de 5 ans dans le plafonnement des émissions se traduirait en effet par 20 centimètres de plus. Autre source de différence dans le bilan final d’élévation du niveau de la mer : le rythme de la baisse après le pic.
La hausse médiane du niveau de la mer atteint 116-164 cm en 2300 dans les scénarios de stabilisation de la température net-zero CO2 et de 73 à 133 cm dans les scénarios net-zero GHG. C’est quand même beaucoup moins important que les risques relatifs aux scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5 avec des prévisions centrales de 4,2 mètres et 11,7 mètres respectivement (Kopp et al, 2017).
Même avec un réchauffement inférieur à 2°C, il y a 5% de chances de voir niveau de la mer s’élever de 5 mètres dans le scénario net-zero CO2. L’étude prend en compte les nouveaux indices présentés par DeConto et Pollard, montrant une sensibilité de la calotte glaciaire antarctique plus importante que prévu.
Une modélisation récente de la calotte antarctique, développée par Robert DeConto (Université du Massachusetts) et David Pollard (Université d’État de Pennsylvanie), indique en effet que les réserves de glace du continent pourraient être moins stables qu’on ne le pensait auparavant. Ils pointent deux facteurs : l’hydrofracturation et l’effondrement des falaises. Des périodes chaudes antérieures marquées par un niveau de la mer nettement supérieur à celui d’aujourd’hui laissent penser que la calotte glaciaire de l’Antarctique a dû être un acteur majeur de l’élévation il y a environ 3 millions d’années.
D’après la nouvelle étude publiée dans Nature Communications, 5 mètres de hausse seraient un maximum avec un réchauffement contenu sous les 2°C. C’est ce qui pourrait arriver si l’Antarctique était très fragile, avec un pic d’émission tardif (2035) et un rythme de baisse de émissions de CO2 plutôt lent (0,3 GtC par an).
Si en revanche le pic intervient dès 2020 avec un rythme de baisse rapide (0,7 GtC par an) pour atteindre les zero-net GHG dès 2040, le niveau de la mer pourrait être contenu à 0,7 mètres (50% de chances). On peut voir ci-dessous un tableau exprimant les résultats des modèles en fonction des scénarios, des pics d’émission et des taux de réduction. Les résultats sont exprimés en percentiles (5 signifie qu’il y a 95% de chances pour que l’élévation soit plus élevée, 50 est la médiane et 95 signifie qu’il y a 5% pour que la hausse soit plus importante).
| Percentile | 5.0 | 16.66 | 50.0 | 83.33 | 95.0 |
|---|---|---|---|---|---|
| Net-zero CO2 | |||||
| Peak year 2020 rate 0.3 | 56.67 | 84.41 | 137.27 | 219.66 | 355.43 |
| Peak year 2020 rate 0.5 | 45.66 | 74.36 | 122.5 | 189.87 | 275.81 |
| Peak year 2020 rate 0.7 | 40.37 | 70.24 | 115.88 | 178.43 | 247.87 |
| Peak year 2025 rate 0.3 | 67.47 | 96.95 | 156.98 | 268.83 | 458.3 |
| Peak year 2025 rate 0.5 | 56.69 | 84.41 | 137.29 | 219.65 | 354.76 |
| Peak year 2025 rate 0.7 | 51.59 | 79.36 | 129.64 | 203.87 | 313.75 |
| Peak year 2030 rate 0.5 | 66.54 | 95.83 | 154.97 | 262.48 | 450.6 |
| Peak year 2030 rate 0.7 | 61.33 | 89.63 | 145.24 | 236.99 | 407.48 |
| Peak year 2035 rate 0.7 | 70.97 | 100.7 | 163.7 | 289.48 | 481.1 |
| Net-zero GHG | |||||
| Peak year 2020 rate 0.3 | 23.65 | 58.85 | 101.21 | 159.63 | 224.06 |
| Peak year 2020 rate 0.5 | 0.1 | 45.02 | 81.11 | 132.74 | 175.4 |
| Peak year 2020 rate 0.7 | −9.61 | 38.47 | 72.75 | 122.58 | 159.76 |
| Peak year 2025 rate 0.3 | 41.76 | 72.05 | 121.28 | 195.42 | 290.79 |
| Peak year 2025 rate 0.5 | 20.46 | 56.46 | 97.95 | 154.76 | 215.79 |
| Peak year 2025 rate 0.7 | 8.57 | 49.88 | 87.93 | 141.32 | 190.25 |
| Peak year 2030 rate 0.5 | 37.16 | 68.74 | 116.01 | 185.94 | 273.78 |
| Peak year 2030 rate 0.7 | 26.57 | 61.05 | 104.71 | 165.36 | 233.41 |
| Peak year 2035 rate 0.7 | 42.68 | 72.78 | 122.86 | 198.09 | 295.71 |
Les hypothèses les plus extrêmes montrent l’importance du niveau d’émissions de gaz à effet de serre dans les années qui viennent. Sur la base du 95e percentile, on peut voir avec le scénario net-zero CO2 que chaque retard de 5 ans entraîne une augmentation supplémentaire de 1 m de niveau de la mer d’ici 2300.

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