Climat

La barre des 415 ppm de CO2 franchie pour la première fois en mai 2019

L’observatoire de Mauna Loa à Hawaii a détecté le 11 mai 2019 une concentration de CO2 de 415 parties par million (ppm), soit 100 ppm de plus qu’en 1958.

La barre des 415 ppm a donc été franchie pour la première fois depuis le début des enregistrements à Hawaii. Précisions qu’il s’agit là d’une valeur quotidienne et non mensuelle. L’observatoire de référence Mauna Loa mesure les niveaux de CO2 dans l’atmosphère depuis la fin des années 1950. Les premiers relevés faisaient état d’une concentration de 315 ppm en 1958. Voici ce que l’on a pu observer ces derniers jours :

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Concentration de CO2 à Mauna Loa. Source : NOAA.

L’ensemble de l’archive de Mauna Loa montre une claire tendance à la hausse :

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Concentration de CO2 à Mauna Loa. Source : NOAA.

Les scientifiques sont capables de remonter encore plus loin dans le passé. L’analyse des carottes de glace tirées de l’Antarctique montre que les niveaux de CO2 actuels sont les plus importants des 800 000 dernières années, période au cours de laquelle les niveaux n’ont jamais dépassé les 300 ppm au plus fort des épisodes interglaciaires.

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Concentrations de CO2 et températures de l’Antarctique des 800 000 dernières années (source : NASA)

Des modélisations basées sur des données astronomiques et géologiques montrent que la dernière fois que l’atmosphère terrestre a contenu autant de CO2, c’était il y a plus de trois millions d’années. C’est ce qu’a révélé une étude publiée en avril 2019.

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Résultats de la modélisation : concentration de CO2 atmosphérique (en rose) comparée aux données sur le noyau de glace (trait continu) et à d’autres approximations. Willett et al, 2019.

La température moyenne à la surface de la Terre a déjà augmenté de plus de 1°C depuis l’ère préindustrielle en raison des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaine. Le dernier relevé de la NASA pour mars 2019 fait état d’une anomalie de +1,35°C par rapport à la période 1880-1899.

L’Accord de Paris ambitionnait de limiter le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C, « si possible ». Or, loin de se stabiliser, les niveaux de CO2 continuent à augmenter. Ralph Keeling, directeur du programme de CO2 de la Scripps Institution of Oceanography, a déclaré que la tendance en 2019 était d’autant plus soutenue qu’il s’agissait d’une année El Niño (même si l’épisode actuel est de faible intensité).

L’augmentation en 2019 par rapport à l’année précédente sera probablement d’environ 3 ppm, alors que la moyenne récente était de +2,5 ppm par an. La concentration mensuelle moyenne relevée en avril 2019 a été de 413 ppm contre 410 ppm en avril 2018.

Bien qu’il existe un certain désaccord sur ce qui constituerait des niveaux de CO2 atmosphériques sans risque, il existe un large consensus sur le fait que 350 ppm – un niveau dépassé à la fin des années 1980 – serait une valeur permettant de limiter les effets du changement climatique. On parle bien de limitation car avant le 18ème siècle, l’atmosphère contenait environ 280 ppm de dioxyde de carbone.

Les émissions devraient donc diminuer rapidement pour éviter que des seuils critiques ne soient franchis. Mais avec la croissance des émissions actuelles, le pic ne semble pas en vue. Pour limiter le réchauffement climatique à l’objectif de 1,5°C, les émissions de CO2 doivent être réduites de 50% d’ici 2030 et atteindre le zéro net d’ici 2050 environ.

Après trois années de faible croissance des émissions de CO2 entre 2014 à 2016, les espoirs d’un pic ont été douchés en 2017. Les émissions mondiales de C02 venant des énergies fossiles ont même atteint un niveau record en 2018 avec 37,1 milliards de tonnes, selon le Global Carbon Project.  Ce qui représente une augmentation de 2,7% par rapport à 2017.

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Source : Global Carbon Project.

La notion de concentration de CO2 est à distinguer des chiffres concernant les émissions de CO2. Les émissions représentent ce qui entre dans l’atmosphère en raison des activités humaines, dont la combustion des ressources fossiles et la production de ciment. La concentration indique ce qui reste dans l’atmosphère au terme des interactions entre l’air, la biosphère et les océans. Environ un quart du total des émissions de CO2 sont absorbées par les océans et un autre quart par la biosphère, tempérant l’impact des activités humaines.

D’une année à la haute, la hausse de la concentration peut accélérer ou ralentir en raison de phénomènes naturels comme El Niño, ce qui signifie que la tendance n’est pas forcément exactement la même que pour les émissions de CO2 liées à la combustion des énergies fossiles.

Pendant El Niño, l’Asie du Sud-Est connaît des conditions exceptionnellement chaudes et sèches. Ces conditions provoquent des incendies à travers de vastes étendues de forêts et de tourbières qui rejettent du dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Bien que l’augmentation du CO2 via des processus naturels ait contribué à mettre fin à la dernière période glaciaire, l’augmentation du CO2 due aux activités humaines au cours des 100 dernières années est encore plus importante et environ 100 fois plus rapide.

5 réponses »

  1. Bonjour Johan
    Je parle souvent de la mesure CO2eq ces derniers temps.
    Tu sais sans doute ce que c’est et la NOAA a une page à ce sujet.
    Bref, nous sommes à 500ppm en équivalent CO2 (CO2eq).
    Le carbone noir, la suie, serait le 2e plus grand contributeur à l’effet de serre, mais il s’agit de particules et non de gaz. On en parle encore très peu et les recherches sont récentes.

    Merci pour ton travail, je partage régulièrement tes articles
    Cordialement

    Jack

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    • Bonjour Jack, je te remercie pour ton intérêt. Nous sommes effectivement à environ 500 ppm CO2eq, comme tu le dis, si on prend tous les gaz à effet de serre. Le CO2 représentant 75% des GES. Si l’on veut mesurer le forçage radiatif, on se rend compte que les GES autres que le CO2 annulent quasiment l’effet des aérosols (bien que pour ces derniers l’incertitude soit grande).

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    • D’après cette étude, le forçage du BC serait de 1,1 w/m2, ce qui est énorme et deux fois plus important que pour l’Ipcc. Le temps de résidence est beaucoup plus court que le CO2. Une réduction du BC aurait donc un effet plus rapide, il me semble.

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  2. Oui! Le carbone noir est certainement le plus facile des contributeurs au réchauffement global à gérer selon d’autres sources que j’ai lu.
    Sa durée de vie dans l’atmosphère est aussi très courte, moins d’un mois.
    Son impact sur la santé est important, un plus de plus en faveur de sa réduction.

    Je viens de lire ceci, ça risque aussi de t’intéresser et ça mérite possiblement un article 😉
    http://www.fasterthanexpected.com/2019/05/13/the-methane-detectives-on-the-trail-of-a-global-warming-mystery/

    Jack

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