Climat

Le recul des glaciers confirmé par de nouvelles données satellitaires

La quasi-totalité des glaciers perdent de la masse depuis 2000. La fonte a quasiment doublé sur les 20 dernières années, selon des mesures satellitaires compilées avec une précision inédite.

En utilisant 20 ans de données satellitaires récemment déclassifiées, une équipe de recherche internationale a calculé que les glaciers avaient perdu 267 milliards de tonnes de glace par an sur la période 2000-2019. Les scientifiques ont analysé 220 000 glaciers à travers le monde, sans prendre en compte les immenses calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland (seulement les glaciers en périphérie). Le phénomène s’est accéléré entre 2015 et 2019 avec 298 milliards de tonnes perdues chaque année en moyenne. L’étude publiée dans la revue Nature est l’une des plus détaillées de l’évolution de glaciers à ce jour.

La moitié de la perte glaciaire mondiale provient de l’Alaska et du Canada. Les taux de fonte de l’Alaska sont parmi les plus élevés de la planète avec une perte annuelle moyenne de 67 milliards de tonnes par an depuis 2000. Le glacier Columbia, en Alaska, recule d’environ 35 mètres par an.

Glacier Columbia (Alaska). Source : Copernicus Sentinel-2, ESA 

Presque tous les glaciers du monde fondent, même ceux du Tibet qui étaient stables jusqu’à présent. À l’exception de quelques-uns en Islande et en Scandinavie, alimentés par des précipitations accrues, les taux de fonte se sont accélérés quasiment partout sur le globe.

La fusion presque uniforme reflète l’augmentation globale de la température. Le lien avec la combustion du charbon, du pétrole et du gaz ne fait aucun doute, selon les auteurs de l’étude. Le stade de la simple alerte est largement dépassé. Certains glaciers plus petits disparaissent entièrement. 

L’étude est la première à utiliser l’imagerie satellite 3D pour examiner tous les glaciers de la Terre non connectés aux calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. Des études antérieures n’utilisaient qu’une fraction des glaciers ou estimaient la perte des glaciers de la Terre à l’aide de mesures gravimétriques. 

La difficulté de l’étude des glaciers provient d’une part du très faible nombre de mesures in situ. D’autre part, les relevés gravimétriques sont très utiles pour mesurer l’évolution des calottes de glace de l’Antarctique et du Groenland mais n’ont pas une résolution suffisamment fine pour étudier dans le détail les 220 000 glaciers analysés par l’étude parue dans Nature.

Les scientifiques ont analysé près d’un demi-million d’images satellites prises depuis 2000 par le satellite Terra de la NASA. L’instrument prend des clichés de la planète sous deux angles différents, permettant de construire des cartes 3D de la surface de la Terre. Le traitement de l’imagerie numérique spatiale pour mesurer les changements d’élévation de la surface nécessite cependant une énorme puissance de calcul. Le travail a été rendu possible par le recours à un super calculateur qui a construit des modèles numériques d’élévation basés sur plus de 440 000 images satellites. La précision spatiale et temporelle de ces résultats atteint un niveau inégalé à ce jour, d’après les auteurs de l’étude.

Le rétrécissement des glaciers est un problème pour des millions de personnes qui dépendent de la fonte glaciaire saisonnière pour l’eau quotidienne et la fonte rapide peut provoquer des explosions mortelles de lacs glaciaires dans certaines régions, comme en Inde.

Mais la plus grande menace est l’élévation du niveau de la mer. Les océans du monde subissent déjà l’expansion thermique et la fonte des calottes glaciaires au Groenland et en Antarctique. Les glaciers sont responsables de 21% de l’élévation du niveau de la mer sur la période 2000-2019, selon l’étude. Les calottes glaciaires constituent cependant des menaces à long terme plus importantes.

Ces résultats pour les glaciers sont conformes à ce qui a été trouvé dans d’autres études mais avec une précision censée être supérieure. Une étude publiée en 2020 dans The Cryosphere avait donné des résultats proches du nouvel article paru dans Nature. La méthode était différente, basée sur plusieurs techniques, notamment la gravimétrie (mesure de la pesanteur) et l’altimétrie (mesure de l’élévation), concluant à une perte pour les glaciers de 266 milliards de tonnes sur la période 1994-2017. Sur la même période, le Groenland et l’Antarctique ont perdu respectivement 166 et 111 milliards de tonnes, d’après l’étude parue dans The Cryosphere.

La première mission GRACE lancée en 2002 a permis de mesurer les changements du champ de gravité terrestre causés par les mouvements de masse sur la planète. Les seuls résultats de la mission Grace donnent une perte de 200 milliards de tonnes pour les glaciers de montagne sur la période 2002-2016. Grace montre une accélération spectaculaire pour le Groenland sur la période 2010-2018 avec une perte de 286 milliards de tonnes. Même accélération dramatique en Antarctique avec – 252 milliards de tonnes par an sur 2009-2017.

Pour résumer, les nouvelles analyses tirées des images satellites confirment avec une précision inédite que la perte des glaciers est énorme et connait une accélération des pertes sur 2015-2019. Avec l’accélération également constatée pour l’Antarctique et le Groenland (via les mesures de gravimétrie de la mission Grace), les conséquences du réchauffement climatique sur la cryosphère apparaissent sans ambiguïté.

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