Les travaux de l’équipe scientifique du Global Carbon Project montrent que les émissions mondiales de CO2 d’origine fossile sont supérieures en 2022 à celles de 2021. Elle seraient même légèrement au-dessus du précédent maximum de 2019 enregistré avant la pandémie.
D’après le rapport préliminaire publié en novembre, les émissions de CO2 d’origine fossile en 2022 devraient augmenter de 1% par rapport à 2021, pour atteindre 36,6 GtCO2. Elles dépasseraient ainsi le niveau record de 2019 (36,3 GtCO2) enregistré avant la pandémie de Covid-19. Le graphique ci-dessous montre l’évolution des émissions de CO2 et la projection pour 2022 (avec prise en compte de la carbonation du ciment, c’est à dire la dégradation des ciments au fil du temps qui permet une absorption de CO2).

Selon une autre source, le Carbon Monitor, les émissions globales de CO2 seraient en 2022 supérieures de 3% à celles de 2019 sur la période de janvier à octobre.
Pour le Global Carbon Project, les émissions liées au changement d’usage des terres (comme la déforestation) devraient s’élever à 3,9 GtCO2 en 2022 pour porter le total à 40,6 GtCO2. Les émissions liées à l’usage des terres étant inférieures à celles de 2019, le total émissions de CO2 fossile + usage des terres devrait être en 2022 légèrement inférieur au total de 2019 (40,9 GtCO2).
Sur la période historique 1850-2021, 30 % des émissions historiques sont dues au changement d’affectation des terres et 70 % aux émissions fossiles. Toutefois, les émissions fossiles ont considérablement augmenté depuis 1960, contrairement aux changements d’affectation des terres. Par conséquent, les contributions des changements d’affectation des terres aux émissions anthropiques totales ont été plus faibles au cours des périodes récentes (18 % au cours de la période 1960-2021 et 11 % au cours de la période 2012-2021).
L’Indonésie, le Brésil et la République démocratique du Congo contribuent à 58 % des émissions mondiales dues aux changements d’affectation des terres. Selon les chercheurs du Global Carbon Project, l’arrêt de la déforestation et l’intensification des efforts de restauration et d’expansion des forêts constituent une grande opportunité de réduire les émissions et d’augmenter l’élimination dans les forêts.
Les projections des émissions de charbon et de pétrole sont supérieures à leurs niveaux de 2021, le pétrole étant le plus grand contributeur à la croissance des émissions totales.
L’augmentation mondiale des émissions en 2022 par type de combustible devrait être d’environ +1 % pour le charbon, de +2,2 % pour le pétrole, de -0,2 % pour le gaz naturel et de -1,6 % pour le ciment.

En 2022, le bilan des principaux émetteurs est mitigé : par rapport à 2021, les émissions devraient diminuer en Chine (0,9 %) et dans l’UE (0,8 %), et augmenter aux Etats-Unis (1,5 %) et en Inde (6 %), avec une hausse de 1,7 % dans le reste du monde.
Pour la Chine, les émissions fossiles prévues en 2022 devraient diminuer de 0,9 % (fourchette de -2,3 % à +0,4 %) par rapport aux émissions de 2021, ce qui porterait les émissions de la Chine en 2022 à environ 11,4 GtCO2. Les changements dans les projections par combustible pour la Chine sont de +0,1 % pour le charbon, -2,8 % pour le pétrole, -1,1 % pour le gaz naturel et -7,0 % pour le ciment. A noter que les émissions de la Chine avaient augmenté de 3,5% en 2021 et même de 1,4% durant l’année 2020 très marquée par la pandémie.
Pour les Etats-Unis, les projections d’émissions de l’Energy Information Administration (EIA) pour 2022 donnent une augmentation de 1,5 % (fourchette de -1 % à +4 %) par rapport à 2021, ce qui porterait les émissions des Etats-Unis en 2022 à environ 5,1 GtCO2. Ce chiffre est basé sur des projections distinctes de -4,6% pour le charbon, +2% pour le pétrole, de +2 %, +4,7% pour le gaz naturel et de +1,2% pour le ciment.

Pour l’Union européenne, la projection pour 2022 prévoit une baisse de 0,8 % par rapport à 2021, avec des émissions en 2022 d’environ 2,8 GtCO2. Ces chiffres sont basés sur des projections distinctes pour le charbon (+6,7 %), le pétrole (+0,9 %) et le gaz naturel (-10 %), tandis que le ciment reste inchangé.
Pour l’Inde, la projection pour 2022 est une augmentation de 6 % (fourchette de 3,9 % à 8 %) par rapport à 2021, avec des émissions en 2022 d’environ 2,9 GtCO2. Ces chiffres sont basés sur des projections distinctes pour le charbon (+5,0 %), le pétrole (+10,0 %), le gaz naturel (-4,0 %) et le ciment (+10,0 %). Il semble ainsi que pour la première fois les émissions annuelles de l’Inde dépassent celles de l’UE.
Pour le reste du monde, le taux de croissance prévu pour 2022 est de 1,7 %. Les taux de croissance par combustible prévus pour 2022 dans le reste du monde sont les suivants : +1,6 % pour le charbon, +3,1 % pour le pétrole, -0,1 % pour le gaz naturel, +3 % pour le ciment.
Si la Chine a connu une légère baisse des émissions de CO2 en 2022, le pays n’avait pas connu de baisse liée à la pandémie en 2020, contrairement à l’Europe et aux Etats-Unis. Le rebond post-covid en 2021 a été moins important en Chine mais la comparaison 2022-2019 montre que les émissions sont nettement supérieures aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2019. Voici l’évolution des émissions pour les principaux émetteurs depuis 2015 :
| Monde | Chine | USA | UE | Inde | Reste du monde | |
| 2015 | 0.06 % | −0.7 % | −2.5 % | – | – | 1.2 % |
| 2016 | 0.20 % | −0.3 % | −2.1 % | – | – | 1.3 % |
| 2017 | 1.6 % | 1.5 % | −0.5 % | – | 3.9 % | 1.9 % |
| 2018 | 2.1 % | 2.3 % | 2.8 % | −2.1 % | 8.0 % | 1.7 % |
| 2019 | 0.1 % | 2.2 % | −2.6 % | −4.3 % | 1.0 % | 0.5 % |
| 2020 | −5.4 % | 1.4 % | −10.6 % | −10.9 % | −7.3 % | −7.0 % |
| 2021 | 5.1 % | 3.5 % | 6.2 % | 6.8 % | 11.1 % | 4.5 % |
| 2022 (projection) | 1.0 % | −0.9 % | 1.5 % | −0.8 % | 6 % | 1.7 % |
Les écosystèmes terrestres et les océans, qui absorbent et stockent le carbone, continuent d’absorber environ la moitié des émissions de CO2. Toutefois, le changement climatique a réduit l’absorption de CO2 par les puits océaniques et terrestres d’environ 4 % et 17 %, respectivement, au cours de la décennie 2012-2021.
La concentration de CO2 dans l’atmosphère continue d’augmenter à un rythme soutenu, sans montrer de ralentissement. La concentration de dioxyde de carbone est passée d’environ 277 parties par million (ppm) en 1750 à 417,2 ppm en 2022. Le niveau actuel représente ainsi 50 % de plus que les niveaux préindustriels.

La réduction temporaire des émissions de CO2 en 2020 pendant la pandémie a eu peu d’impact sur l’augmentation des concentrations atmosphériques. Les émissions représentent ce qui entre dans l’atmosphère en raison des activités humaines, la concentration indique ce qui reste dans l’atmosphère au terme des interactions entre l’air, la biosphère et les océans.
Les concentrations des autres principaux gaz à effet de serre continuent aussi d’augmenter. Malgré les objectifs affichés, la hausse des taux atmosphériques de méthane et d’oxyde nitreux se poursuit. L’augmentation annuelle du méthane atmosphérique au cours de l’année 2021 a été de 17 parties par milliard (ppb), soit la plus forte hausse enregistrée depuis le début des mesures systématiques en 1983, selon la NOAA. En 2021, les niveaux de méthane atmosphérique ont ainsi atteint une moyenne de 1 895,7 ppb, soit environ 162 % de plus que les niveaux préindustriels.
D’après le Global Carbon Project, le budget carbone restant pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C avec une probabilité de 50 % s’est réduit à 380 GtCO2 (il sera dépassé dans neuf ans si les émissions restent aux niveaux de 2022) et à 1230 GtCO2 pour limiter à 2°C (soit 30 ans aux niveaux d’émissions de 2022). Vu le retard pris dans la réduction des émissions, on peut grandement douter qu’il soit encore possible de limiter le réchauffement à 1,5°C. Mais techniquement, il y aurait encore un petit budget carbone disponible pour l’éviter à long terme malgré un dépassement ponctuel. Il faut dire qu’une seule année de dépassement supérieur à 1,5 °C ne signifie pas que la planète ait dépassé officiellement le seuil emblématique de l’Accord de Paris.
Pour atteindre zéro-émissions de CO2 d’ici 2050, il faudrait maintenant une diminution d’environ 1,4 GtCO2 chaque année, un chiffre comparable à la baisse observée des émissions en 2020 en raison des confinements du Covid-19, ce qui souligne l’ampleur de l’action requise.

On notera quand même que le taux d’augmentation à long terme des émissions fossiles a ralenti. L’augmentation moyenne a atteint un pic de +3 % par an au cours des années 2000, alors que la croissance au cours de la dernière décennie a été d’environ +0,5 % par an.
De nouveaux engagements nationaux d’atténuation pour 2030 sont censés conduire à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ils ne permettent cependant pas en l’état de tenir les engagements des Accords de Paris. D’après un rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) , les plans devraient être quatre fois plus ambitieux pour nous remettre sur la voie d’une limitation du réchauffement à 2 °C et sept fois plus pour une limitation à 1,5 °C.
D’après une étude publiée en juin 2022, nous serions déjà engagés à atteindre à court terme un pic de réchauffement supérieur à 1,5°C, avec une probabilité de 42 %, même si les émissions de CO2 tombaient dès maintenant à zéro. Avec une température globale actuellement proche de 1,2°C au-dessus de la période 1850-1900, le prochain événement El Nino significatif nous rapprochera inévitablement des 1,5°C. Comme on l’a dit, le dépassement du seuil pris en compte par les organismes internationaux concerne un niveau de long terme et non pas un franchissement ponctuel du seuil.
Selon les estimations (établies avec une probabilité de 66 %) pour le XXIe siècle, le réchauffement planétaire se situera à 2,8 °C (entre 2,3 °C à 3,3 °C) si l’on s’en tient aux politiques actuelles, ou à 2,5 °C (entre 2,1 °C et 3,0 °C) si l’on respecte les engagements nouveaux ou actualisés.
Nous verrons ce qui ressort de la COP27, qui se déroule actuellement en Egypte. Dans un rapport publié le 13 septembre 2022, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) avait relevé « un profond hiatus entre nos aspirations et la réalité tangible ». Un constat qui n’est pas démenti par les chiffres des émissions de CO2 en 2022, ni par celles de méthane en 2021.
On rappellera que le réchauffement affectera particulièrement les plus gros émetteurs de la planète car l’élévation des températures est plus importante dans les régions continentales que pour le globe en moyenne.
La température en Europe s’est élevée considérablement au cours de la période 1991-2021, à un taux moyen d’environ +0,5 °C par décennie, selon une récente étude. Cela représente deux fois la moyenne mondiale et il s’agit du réchauffement le plus rapide de toutes les régions de l’OMM. Seules certaines régions polaires connaissent un réchauffement plus rapide.
L’Europe se réchauffe davantage que la moyenne mondiale (surface des terres et des mers) d’abord en raison de son statut de continent. Les terres ont une capacité thermique inférieure à celle de l’eau, ce qui signifie qu’elles ont besoin de moins de chaleur pour élever leur température. Les moyennes latitudes de l’hémisphère nord sont ainsi particulièrement exposées. L’Europe du Nord se trouve en outre à proximité d’une région arctique marquée par un réchauffement accéléré. Les graphiques ci-dessous montrent les anomalies par rapport à la moyenne du XXe siècle et la tendance par décade entre 1991-2021 pour le globe et les différents continents. A noter que les anomalies auraient été supérieures d’environ 0.3°C si calculées par rapport à 1850-1900.






Le continent qui affiche le réchauffement le plus rapide sur la période 1991-2021 est donc l’Europe avec +0,49°C par décade, selon la NOAA, devant l’Asie avec +0,39°C/décade. L’Afrique et l’Amérique du Nord affichent tout de même un rythme de réchauffement 1,5 fois plus rapide que celui de la moyenne mondiale.







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