Climat

Température mondiale : record pulvérisé en juillet 2023

Avec +0.892°C au-dessus de la moyenne 1981-2010, le mois de juillet 2023 est de très loin le plus chaud des archives ERA5. Le précédent record de 2019 (+0.563°C) est dépassé de 0.33°C.

Les réanalyses comme ERA5 (ECMWF) intègrent de multiples observations dans un modèle permettant de suivre quasi quotidiennement l’évolution du climat. Elles sont produites par assimilation de données, un processus qui repose à la fois sur des observations et des modèles utilisant les lois de la physique et les observations passées. Les données sont actualisées de manière journalière, contrairement aux bilans mensuels des stations au sol.

Carte des anomalies ERA5 en juillet 2023 par rapport à 1981-2010

Avec +0.892°C au-dessus de la moyenne 1981-2010, le mois de juillet 2023 est de loin le plus chaud des annales ERA5 qui remontent à 1979. Par rapport à la nouvelle période de référence 1991-2020 utilisée par ERA5, l’anomalie est de +0.724°C. Le mois de juin 2023 avait déjà été marqué par un record mensuel de chaleur assez net mais l’écart est cette fois encore plus impressionnant.

Ce niveau est inédit pour un mois de juillet car c’est plutôt en hiver (au sens de l’hémisphère nord) qu’El Niño booste vraiment la température globale. Il faut dire que les températures de surface de la mer (SST) sont déjà exceptionnelles, comme le montre le graphique ci-dessous des SST. Les SST depuis avril 2023 se distinguent très nettement du reste de l’archive. Et nous ne voyons peut-être encore que les prémices du coup de chaud lié à El Niño.

SST entre 60S et 60N. Source : Climate Reanalyzer/Université du Maine

Le graphique ci-dessous montre les 10 anomalies globales les plus élevées jamais observées en juillet. A l’image des SST, la température à la surface du globe au mois de juillet 2023 est stupéfiante, même au regard des niveaux observés ces dernières années.

Top 10 des anomalies ERA5 en juillet par rapport à 1981-2010

Après une période La Niña exceptionnellement prolongée, des conditions El Niño sont désormais présentes et devraient encore se renforcer au cours de l’hiver 2023-24. L’anomalie dans la région Niño 3.4 a atteint +1.01°C en juillet (le seuil La Niña est fixé à -0.5°C, le seuil El Niño à +0.5°C). D’après la moyenne des modèles, l’anomalie pourrait passer à 1.81°C sur octobre-novembre-décembre. Le seuil pour un événement qualifié de « fort » est de +1.5°C dans la région Niño 3.4.

Prévisions des modèles dynamiques pour les températures de surface de la mer dans la région Niño 3.4. Source : CPC IRI.

Pour calculer la température mondiale par rapport à la période préindustrielle, il faut utiliser une autre archive que celle d’ERA5 car celle-ci remonte à 1979 seulement. L’archive du Met Office présente l’avantage de remonter aux années 1850. HadCRUT5 a récemment remplacé HadCRUT4 avec des améliorations dans la couverture globale et la mesure des températures de surface de la mer. Les données de HadCRUT5 sont utilisées ici pour calculer l’évolution d’ERA5 par rapport à la période préindustrielle (1850-1900).

L’anomalie de +0.892°C observée au mois de juillet 2023 par rapport à 1981-2010 correspond à +1.487°C par rapport à 1850-1900, ce qui est exceptionnel pour cette période de l’année. Des anomalies aux alentours de +1.5°C au-dessus de la période préindustrielle n’avaient jusqu’à présent été relevées qu’entre novembre et avril.

Les deux années les plus chaudes ont été 2016 et 2020 avec respectivement +1.337°C et +1.33°C au-dessus de la moyenne préindustrielle. La moyenne sur janvier-juillet 2023 est de +0.612°C au-dessus de 1981-2010, soit +1.318°C par rapport à 1850-1900. Si cette anomalie devait perdurer toute l’année, elle ferait de 2023 la 3e année la plus chaude depuis le début des relevés, derrière 2016 et 2020. Le réchauffement lié à El Niño fera cependant grimper l’anomalie mondiale d’ici la fin de l’année. Si les prévisions des modèles se concrétisaient, la température annuelle pourrait au final se situer à des niveaux record dès 2023, sachant que le réchauffement pourrait être encore plus marqué en 2024.

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11 réponses »

  1. Impressionnant en effet! L’écart entre juillet 2023 et le 2ème juillet le plus chaud est supérieur à celui entre le 2ème et le 10ème plus chaud. Il y a vraiment un décrochage. Je me demande ce que ce sera l’hiver prochain…

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  2. Bonjour, en soit, mais je me trompe peut-être, le dernier véritable événement el Nino date déjà de quelques années. Compte tenu de l´évolution du climat actuel qui est proche de 0.3 degrés tous les 10 ans, pour l´instant, la progression paraît plutôt logique…
    De plus, si j´ai bien compris, nombre d´organismes ont plus ou moins validé une hypothèse à 1.5 degrés dans les années à venir. Il faut donc se donner les moyens d´y parvenir 🤣.
    Et compte tenu des nouvelles arrivant de toutes parts, relevés et études, cet « objectif » ne paraît pas déraisonnable !

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  3. Bonjour Johan,

    Merci infiniment pour le travail que vous fournissez depuis toutes ces années.

    J’ai une question, vous dites que c’est plutôt en hiver qu’El Niño booste vraiment la température globale dans l’hémisphère nord.
    Néanmoins, j’ai lu quelque part que les conséquences de son arrivée en Europe peut entraîner des hivers plus froids et plus secs (nord) et plus humide (sud).

    Donc si je comprends bien, c’est un réchauffement global qui serait accru dans l’hémisphère nord, mais en Europe, ce serait plutôt l’inverse ?
    C’est assez contre-intuitif, n’y a-t-il pas une histoire de jet stream ou quelques choses comme ça ?

    Deuxième question si vous me le permettez, vers quel scénario du GIEC est-on en train de se diriger ?

    Bonne soirée

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    • Bonsoir,

      Merci pour votre commentaire. Pour ce qui est d’El Niño, je voulais dire qu’il crée un mini-réchauffement global en hiver au sens de l’hémisphère nord, c’est à dire sur la période essentiellement de novembre à avril habituellement. L’impact peut aller au-delà mais c’est en gros dans cette fenêtre que l’impact est le plus important sur la température globale. Il y a généralement un décalage de 2 à 3 mois en moyenne (selon les études scientifiques publiées) entre le pic de températures de la mer dans la région Niño 3.4 du Pacifique et le pic de la température de surface au niveau global. Typiquement les températures de la mer lors d’El Niño sont enregistrées vers novembre-décembre et la température globale est au plus haut vers janvier-février-mars. Le pic peut être plus ou moins précoce.

      Chaque événement est unique et a des impacts différents. Pour ce qui est de l’impact régional, les effets les plus importants se font ressentir de part et d’autre du Pacifique, notamment en ce qui concerne les précipitations. El Niño affecte effectivement le jet stream mais les effets sur l’Europe sont moins directs. Le régime des vents peut être affecté. Si le jet stream est déplacé plus au sud que la normale, cela peut entraîner des conditions plus froides et plus humides en Europe de l’Ouest. Mais le signal n’est pas clair et l’Europe peut être soumise à d’autres phénomènes climatiques par ailleurs. Donc il peut y avoir un impact mais celui-ci n’est pas direct et peut varier selon les phénomènes.

      Concernant les scénarios du GIEC, pour ce qui est des émissions de CO2, c’est assez ouvert, ce n’est qu’à partir de la décennie 2020 qu’ils commencent vraiment à diverger. Les projections de températures sont pour le moment assez proches de la réalité, on peut supposer que les températures seront aussi fonction des émissions futures. Pour le moment, ce n’est pas très bon. Vu que le gros des réductions est prévu pour plus tard, on peut dire qu’en théorie ça reste ouvert.

      Il reste cependant de grosses incertitudes sur le comportement des nuages, et cela peut faire de grosses différences au final.

      On peut noter qu’il y a quand même eu un changement ces dernières années (depuis 10 ans environ) en matière de déséquilibre énergétique. Celui-ci s’est vraiment renforcé, peut-être davantage que prévu, et ceci en raison de l’énergie solaire absorbée (non pas l’énergie reçue mais absorbée). La diminution du forçage des aérosols est suspectée mais les nuages et l’albédo peuvent aussi expliquer en partie la tendance. Cela pourrait se traduire par un rythme de réchauffement accéléré mais en matière de déséquilibre énergétique, il faut vraiment regarder sur du long terme pour se faire une idée de l’impact.

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      • Bonjour Johan, et oui, merci pour ton travail et tes explications une fois de plus. Cependant, il y a une chose que je ne comprends pas dans les modèles. Jancovici nous explique que la surchauffe n´est que de 1% de la puissance globale. Jusque-là tout va bien. Il nous explique par ailleurs que la durée de vie du CO2 d´origine humaine a une durée de vie de 100 ans et représente 65% du rechauffement actuel. On est toujours d´accord ? Donc, on a 0.3 degrés tous les 10 ans x 0.65 x 7.5 = 1.46 degrés + 1.5 ( on ne va pas chipoter ! On y est pratiquement !) Donc ça fait que si on coupe tous les robinets, gaz,pétrole, charbon , là tout de suite, qu´on souffle un bon coup pour dégager les autres GES, on arrive déjà quasiment à +3 degrés. Et je n´ai pas compté l´albedo en inflation, les megas feux et les autres bricoles … comment le giec peut-il arriver à des résultats aussi optimistes ?

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        • Merci Rudolf. Il y a eu de petits changements depuis une quinzaine d’années dans l’analyse de ce qui résulterait d’un arrêt brutal des émissions. Mais effectivement, les études nous disent aujourd’hui que le réchauffement se stabiliserait en cas d’arrêt des émissions. Il y a cependant plusieurs remarques à faire : d’abord, il y a parfois une confusion entre stabilisation de la concentration de CO2 et arrêt des émissions. Le réchauffement se poursuivra si la concentration de CO2 se stabilise, notamment en raison de l’inertie thermique des océans. En revanche, un arrêt des émissions se traduirait en théorie par une baisse de la concentration car les puits de carbone continueront à fonctionner à plein régime et absorberont du CO2 supplémentaire. Les puits absorbent la moitié de nos émissions. Donc avec des émissions 0, les puits permettraient de réduire la concentration de CO2 (de plus en plus lentement cependant).
          D’autre part, ce scénario ne considère que le CO2 seulement. Car si les aérosols chutent en même temps que le CO2, la température augmentera quand même. Il y a par ailleurs la question des autres GHG.
          Ce n’est que mon avis, mais je pense que l’on ne connaît pas tout des rétroactions possibles dans notre système climatique. Il y a notamment les facteurs X que sont les nuages et l’albédo. Je ne sais pas si nous sommes en mesure de déterminer tous les impacts du réchauffement actuel.
          Toujours est-il que l’idée d’émissions 0 relève pour le moment d’une abstraction et que la concentration de CO2 continue à augmenter à un rythme soutenu. Arriver à stabiliser la concentration de CO2 nécessitera déjà de gros changements.

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