Climat

Une tornade dans la ville? Près de cinq mille immeubles endommagés

Le vent destructeur

Le 24 juillet 2023 la ville Suisse de la Chaux-de-Fonds, située à environ 70 km à l’est de Besançon, a été frappée par une violente tempête, avec des rafales à 217 km/h mesurées par les instruments de l’aéroport. Le vent a pu dépasser cette vitesse à d’autres endroits.

Lundi, des fortes intempéries se sont déversées sur cette région.  La vague de chaleur de mi-juillet s’est terminée par une incursion d’air froid venu de l’Ouest, amené par une ondulation du courant – jet.  Celui -ci a contribué à la formation d’orages violents dans des masses d’air déjà instables.  La région a été survolée par des supercellules qui pouvaient former des grêles géantes et des tornades (Severe Weather Europe).  Elles ont provoqué le vent dévastateur dans la région de la  Chaux-de-Fonds et les grêles de Lausanne, Berne et du Valais, 100 -200 km plus loin. 

L’intempérie est venue de l’Ouest, de France, et les pages françaises parlent d’une tornade qui aurait tout détruit sur un couloir de 80 m de largeur.  Le cataclysme a touché les villages français de Levier et de Montlebon (25). Des groupes d’une dizaine d’arbres sont aussi cassés,  le tronc brisé comme un cure-dent, près de la ville du Locle. Les Crêts du Locle, où est concentrée la production d’horlogerie de luxe suisse, ont subi le plus de dommages.  Des vitres et des façades ont été brisées, quelques toits arrachés, une station service est totalement effondrée au sol.  Une photo sur internet montre un bloc de béton encastré latéralement dans une voiture dont le toit est intact. Ce bloc a donc probablement été projeté horizontalement par une force immense.

La zone est jonchée d’éclats de verre, de panneaux solaires triturés dont le verre est en miettes, et de poutres de bois brisées. 

Dans la ville de la Chaux-de-Fonds, le phénomène a cassé des arbres, éparpillé des branches et des tuiles, brisé des vitres et arraché des toits.  Une grue a été renversée sur des voitures.  Des plaques se sont détachées des façades, des tôles ondulées ont été arrachées et projetées dans la ville. Elles sont encore visibles sur les trottoirs, roulées comme une matière molle. Un grand pylône métallique électrique est plié. Des poutres de bois sont fichées dans une façade en béton. Le sol est jonché de milliers de tuiles. Quatre à cinq mille d’immeubles, plus de la moitié de la ville ont été touchées. Les coûts sont estimés entre 70 et 90 millions de francs suisses, c’est-à-dire à peu près autant d’euros. La tempête a causé un décès et des dizaines de blessés.

Les causes

Météosuisse examine pour l’instant l’hypothèse d’une tornade ou d’une microrafale sous orage. Ces deux phénomènes peuvent se produire sous un orage puissant tel que celui du 24 juillet.  La tornade est un tourbillon vertical, au sein duquel les vents atteignent une très grande vitesse (voir mon blog tornades1 et tornades-climat).  La rafale descendante correspond à de l’air froid qui s’affaisse sous un orage.  On parle de microrafale si elle touche moins de quatre kilomètres et de macrorafale sur des distances plus grandes (Météosuisse). Il serait intéressant de savoir si le changement climatique augmentera les risques à ce niveau.  

Le réchauffement a contribué à la formation de ces dangereux orages.  Les températures de la Planète Terre atteignent des records au mois de juin et juillet 2023.  Chaque dixième de degré augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère globale. De plus,  la région méditerranéenne subit une canicule exceptionnelle et la  mer Méditerranée n’a jamais été aussi chaude, ce qui permet l’évaporation accrue à sa surface. Nous étouffions sous un air chaud et humide.

La perspective globale

Une aggravation des catastrophes climatiques est observée et prévue par les organismes spécialisés internationaux. 

Le réchauffement climatique planétaire provoque une augmentation de l’humidité atmosphérique moyenne de 7% par degré Celsius. Celle-ci s’est traduite en particulier par des précipitations intenses, en forte augmentation ces dernières années. J’avais calculé que le nombre d’inondations en Europe a été multiplié par 5 au cours des 20 dernières années, jusqu’à 2020.  Les pluies sont en particulier des précipitations courtes et intenses,  la quantité d’eau annuelle se déverse en une journée sur des nombreuses villes. 

Dès 2016, l’organisation Météorologique Mondiale déclarait que nous sommes désormais en territoire  météorologique inconnu.

Le GIEC a prévu une augmentation des pluies intenses et des inondations, et avertit que celle-ci continuera à chaque dixième de degré de réchauffement.  Le dernier rapport mentionne entre autres un fort risque de débordements sur terre ferme, et de dommages à l’infrastructure (rapport du GIEC p.7, figure SPM.1a). Le risque d’événements météorologiques extrêmes est déjà élevé à 1.5°C de réchauffement (rapport du GIEC figure SPM.4a). 

L’UNDRR a constaté que catastrophes climatiques ont doublé. Les tempêtes et inondations en causent les 72% (Hill).  Partout dans le monde, ville après ville, des citoyens effarés se retrouvent face à des destructions inouïes, et clament qu’ils n’ont jamais rien vu de pareil.

Le secrétaire -général de l’ONU multiplie les déclarations telles que  ‘nous marchons en somnambules vers la catastrophe’, ‘sur l’autoroute vers l’enfer climatique’, nous ne sommes ‘pas immoraux, mais suicidaires’.  

Les pays du Sud s’embourbent dans les catastrophes, notamment les inondations et les glissements de terrain,  la mortalité dans celles-ci y a forcément augmenté, et leurs perspectives de développement s’éloignent. Les assurances de Californie et de Floride cessent d’établir des contrats au vu des aléas récents.

En Suisse, nous avons vécu plusieurs gros orages inhabituels ces dernières années, par exemple en été 2021. Au printemps, des fortes rafales ont renversé deux trains, la semaine passé des gros orages ont provoqué une alerte de niveau 4. Cet événement est loin d’être isolé.

Nous savons que les catastrophes s’amplifieront à chaque dixième de degré supplémentaire, une aggravation est donc prévue pour les deux prochaines décennies. Les mesures de réductions de gaz carbonique porteront leurs fruits dans vingt ans. Nous vivons désormais dans un monde au climat dangereux.

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