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Des preuves d’un retrait du glacier de Pine Island dès 1945

De nouvelles recherches effectuées par une équipe internationale montrent que le retrait et l’amincissement actuels du glacier de Pine Island, en Antarctique de l’Ouest, s’inscrit dans une tendance climatique qui a débuté dans les années 1940.

L’équipe, composée de scientifiques du Lawrence Livermore National Laboratory, du British Antarctic Survey, de la NASA, de l’Observatoire Lamont-Doherty et de plusieurs universités, a analysé les sédiments récupérés sous la plateforme de glace de Pine Island. Le groupe de chercheurs conclu dans la revue Nature que la ligne d’échouage, c’est-à-dire la limite séparant la partie posée sur le sol de la partie flottant sur la mer, a reculé à partir de 1945.

Plateforme de glace telle qu'on en trouve en Antarctique de l'Ouest (Source : Kelvinsong)

Plateforme de glace telle qu’on en trouve en Antarctique de l’Ouest (Source : Kelvinsong)

L’équipe a également constaté que la ligne d’échouage s’était détachée d’une arête saillante du fond marin en 1970. Cette information est intéressante car l’instabilité des glaciers de l’Antarctique est due au fait que les plateformes de glace sont attachées à un socle rocheux situé sous le niveau de la mer. Dans un contexte de réchauffement de l’océan, l’eau chaude située sous les plateformes fait reculer cette zone d’attache en la faisant fondre progressivement. Quand les plateformes perdent de la masse, elle ne permettent plus de contenir l’avancée des glaciers vers la mer. D’où une accélération de leur écoulement et un amincissement.

L’étude parue dans Nature montre que, même lorsque le forçage climatique (comme El Niño) s’est réduit, le retrait de la glace a continué, ce qui laisse penser qu’un forçage autre que naturel s’est exercé.

Le Pine Island Glacier, le plus actif de la région, s’enfonce de plus en plus vite dans l’océan : son rythme d’écoulement s’est accéléré de 75% en 40 ans.

Glaciers de la mer d'Amundsen, région de l'Antarctique de l'Ouest (source : NASA/GSFC/SVS)

Glaciers de la mer d’Amundsen, région de l’Antarctique de l’Ouest (source : NASA/GSFC/SVS)

L’Antarctique de l’Ouest représente l’une des plus grandes sources potentielles d’élévation du niveau de la mer. C’est la partie du continent la plus sensible au réchauffement climatique. Si elle fondait totalement, elle pourrait entraîner une élévation du niveau de la mer de 4 à 5 mètres. Le glacier de Pine Island représente à lui seul 25% de la hausse du niveau de la mer imputable à l’Antarctique occidental.

Au cours des 40 dernières années, les glaciers qui s’écoulent dans le secteur de la mer d’Amundsen ont fondu à un rythme accéléré. Plusieurs modèles numériques laissent entendre qu’un retrait inexorable de la ligne d’échouage est en cours.

Une étude publiée en 2014 par des chercheurs de l’université Irvine et de la NASA avait montré un fort accroissement de la vitesse d’écoulement des glaciers Thwaites et Pine Island dans la mer d’Amundsen. Les pertes sont telles que la désintégration de ces glaciers est désormais jugée irréversible, rien ne pouvant plus les empêcher de fondre dans la mer.

La compréhension de ce retrait récent nécessite une connaissance approfondie de l’histoire de la ligne d’échouage, mais les détails manquent avant l’avènement de la surveillance par satellite dans les années 1990.

Le glacier Pine Island, qui se jette dans la mer d’Amundsen, a reculé constamment pendant la courte période pour laquelle il existe des registres d’observation (de 1992 à nos jours). L’amincissement de ce glacier et d’autres glaciers le long de la côte d’Amundsen indique qu’il s’agit d’une réponse à un forçage externe et a été attribué à la fonte basale élevée des plateformes de glace, exposée à l’eau chaude des profondeurs. Les températures de la mer d’Amundsen mer et de la mer de Bellingshausen ont augmenté depuis les années 60, selon les données océanographiques.

En conséquence, les plateaux de glace plus minces sont moins capables de contenir la glace intérieure, ce qui entraîne une accélération des glaciers et un amincissement de la calotte glaciaire.

Dans l’ouest de l’Antarctique, les plateformes glaciaires ont diminué depuis 1994 avec une forte accélération durant la dernière décennie. Les plateformes des mers d’Amundsen et de Bellingshausen, notamment, représentent la contribution la plus importante, avec une perte de glace en hausse de 70% sur la dernière décennie.

Plateforme de glace de l'Antarctique (Crédit : Georges Nijs)

Plateforme de glace de l’Antarctique (Crédit : Georges Nijs)

Les preuves recueillies par Autosub, un véhicule sous-marin autonome utilisé sous la plateforme glaciaire du Pine Island, ont révélé une crête proéminente au fond de la mer qui a probablement servi de dernier socle à la ligne d’échouage. La première image satellite visible, datant de 1973, a montré une bosse sur la surface de la glace qui a été interprétée comme le dernier point d’échouage sur la partie la plus élevée de la crête. La bosse avait disparu quelques années plus tard, suggérant que la phase actuelle de fonte était déjà en cours.

Cette découverte a fourni le premier indice suggérant que le retrait récent pourrait faire partie d’un processus de long terme ayant commencé des décennies ou même des siècles avant que les observations par satellite ne soient disponibles.

Malgré un retour aux conditions climatiques d’avant 1940 dans les décennies suivantes, l’amincissement et le retrait du glacier n’ont pas cessé et il est peu probable qu’il soit réversible sans un changement majeur dans les conditions marines ou glaciologiques, selon les auteurs de l’étude.

Il ne faut pas confondre les plateformes de glace et la glace de mer. Les plateformes peuvent atteindre 2 km d’épaisseur (la partie émergée ne représente qu’un huitième de la hauteur réelle) et permettent de freiner l’avancée des glaciers. La glace de mer ne fait qu’en moyenne un mètre et n’a pas le même rôle protecteur. La glace de mer a atteint des niveaux d’extension record ces dernières années mais des études ont montré que cela était probablement dû aux vents qui se sont renforcés autour du continent.

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