Climat

Une année record en Arctique

Entre octobre 2015 et septembre 2016, l’anomalie de température à la surface des terres situées au-delà de 60° Nord a été de +2,2° C par rapport à la moyenne 1981-2010, selon le dernier Arctic Report Card. C’est de loin la moyenne la plus élevée depuis le début des mesures en 1900.  Par rapport au début du XXe siècle, l’augmentation atteint 3,5°C. Des records mensuels de chaleur ont été battus en janvier, février, octobre et novembre 2016, avec de profond impacts sur l’Arctique.

Tous les ans, l’Arctic Report Card permet de faire le point sur l’évolution de l’Arctique, la température, la glace de mer, la couverture neigeuse, le pergélisol et les écosystèmes. Le dernier rapport publié en décembre est le fruit du travail de 61 scientifiques venus de 11 pays différents. Voici les élément marquants du rapport :

Les températures relevées au cours de l’hiver 2016 (janvier-mars) dépassent très largement le précédent record. Des anomalies de +8°C ont même été relevées dans plusieurs régions au mois de janvier 2016. Outre la tendance de long terme à la réduction de la glace de mer, des conditions atmosphériques particulières expliquent les températures extrêmes avec la prédominance de vents du sud amenant de l’air chaud des latitudes moyennes vers l’Arctique.

Température à la surface des terres arctiques (au nord de 60°N, en bleu) et température globale à la surface des terres (en rouge) pour la période 1900-2016 par rapport à la moyenne 1981-2010. Source : CRUTEM4.

Température à la surface des terres arctiques (au nord de 60°N, en bleu) et température globale à la surface des terres (en rouge) pour la période 1900-2016 par rapport à la moyenne 1981-2010. Source : CRUTEM4.

Les températures arctiques continuent ainsi d’augmenter deux fois plus vite que la température globale. Un phénomène appelé amplification Arctique. Les mécanismes de l’amplification Arctique comprennent notamment :

  • l’albédo réduit en été en raison de la réduction de la glace de mer et de la couverture de neige,
  • l’augmentation de la teneur totale en vapeur d’eau dans l’atmosphère arctique
  • une diminution de la nébulosité totale en été et une augmentation en hiver.

Dans le détail, on notera qu’en automne 2015, des anomalies importantes ont été observées sur l’ouest de l’Alaska et le secteur Atlantique dans la mer de Barents, en raison de l’advection d’air chaud venu du sud. Dans la région du Spitzberg (archipel de Svalbard, au nord de la Norvège), les températures moyennes ont été de 4 à 6 ° C au-dessus de la moyenne 1961-90.

L’hiver 2016 (janvier-février-mars) a été marqué par des anomalies extrêmes. Ces températures élevées ont concerné tout l’Arctique, du Pacifique au secteur Atlantique. Pour janvier, l’anomalie de température moyenne à l’échelle de l’Arctique était de 2,0° C au-dessus du précédent record avec localement +8°C. Les écarts les plus importants ont été relevés sur l’Alaska, Svalbard et l’Arctique central. Dans la région du Spitzberg, les températures moyennes hivernales  furent de 8 à 11 ° C au-dessus de la moyenne de 1961-90.

Anomalies de températures entre octobre 2015 et septembre 2016. Source : NOAA Climate.gov basé sur la réanalyse NCEP.

Anomalies de températures entre octobre 2015 et septembre 2016. Source : NOAA Climate.gov basé sur la réanalyse NCEP.

Le printemps a été relativement chaud, mais avec des niveaux beaucoup moins extrêmes qu’en hiver. L’été a été marqué par un retour à des conditions neutres.

L’automne 2016 a vu le retour des fortes anomalies positives en Arctique. Sur octobre-novembre, les températures ont été de 6°C plus élevées que la moyenne 1981-2010, avec les écarts les plus importants relevés au nord-ouest du Canada. Des records de chaleur sur une journée ont été battu dans tout l’Arctique, notamment près de la mer de Kara, au Svalbard, au nord du Canada, avec +14°C au-dessus de la normale.

La couverture de neige printanière a été réduite à un niveau record dans l’Arctique nord-américain. L’étendue de la couverture neigeuse est tombée en dessous de 4 millions de km² pour la première fois depuis le début des observations par satellite en 1967.

Au printemps (avril, mai, juin), la couverture neigeuse sur les terres de l’Arctique (Amérique du Nord mais aussi Eurasie) a nettement diminué depuis le début des relevés il y a près de 50 ans, et particulièrement depuis 2005.

La calotte de glace du Groenland a continué à perdre de la masse en 2016, comme elle le fait depuis 2002. Le début de la fonte sur la calotte glaciaire a été le deuxième plus précoce en 37 ans d’observations, proche du record établi en 2012. La surface concernée par la fonte n’a donc pas atteint un niveau record mais elle confirme la tendance observée depuis 1979 avec +15,824 km² par an.

L’extension de la glace de mer Arctique sur la période octobre-novembre 2016 a été la plus faible depuis le début des relevés satellite en 1979. La glace de l’Arctique s’amincit, la glace pluriannuelle comptant maintenant pour 22% du total. 78% de la glace n’a pas plus d’une année d’existence, ce qui la rend plus fragile. En comparaison, la glace multi-annuelle représentait 45% de la couverture glaciaire en 1985.

L’âge de la glace est un indicateur important de l’état de la banquise arctique. La glace ancienne tend à être plus épaisse et donc plus résistante aux forçages atmosphériques et océaniques que la glace jeune.

Evolution âge de la glace depuis 1985. Source : M. Tschudi.

Evolution âge de la glace depuis 1985. Source : M. Tschudi.

La donnée la plus scrutée est cependant celle du niveau minimum d’extension, qui est atteint habituellement à la fin de l’été : elle a été en 2016  la deuxième plus faible depuis 1979, derrière 2012.

A noter également, un changement du cycle du carbone : dans l’ensemble, la toundra réchauffée libère maintenant plus de carbone dans l’atmosphère qu’elle n’en stocke. Le pergélisol du nord contient deux fois plus de carbone organique que l’atmosphère actuellement. Une fonte du pergélisol aurait un impact important sur le climat de l’Arctique et du reste du globe mais l’ampleur du phénomène est encore incertain.

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