Climat

Trump retire les Etats-Unis de l’accord sur le climat : quelles conséquences ?

Donald Trump a annoncé jeudi 1er juin son intention de faire sortir les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. A l’occasion du  traité conclu en décembre 2015 en France, l’administration Obama avait pourtant promis une réduction de 26 à 28% des émissions d’ici 2025 par rapport à 2005. Quelles seront les conséquences d’un tel revirement ? Voici quelques chiffres pour tenter d’y voir plus clair.

Pendant sa campagne, Donald Trump avait dit vouloir enterrer l’accord de Paris. S’il a semblé un moment hésiter après son élection, le discours s’est à nouveau durci. Après avoir affiché sa volonté de relancer la production de charbon, Donald Trump annonce désormais que les Etats-Unis se retirent. « Dans le but de remplir mon devoir solennel de protéger l’Amérique et ses citoyens, les Etats-Unis se retireront de l’Accord de Paris sur le climat« , a annoncé jeudi 1er juin  le successeur d’Obama.

Donald Trump. Crédit : Gage Skidmore.

L’Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre dernier, après sa ratification par au moins 55 pays comptant plus de 55% des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Les Etats-Unis et la Chine l’ont ratifié ensemble au tout début septembre 2016.  Un objectif avait été fixé : contenir le réchauffement sous les 2°C au-dessus de la période préindustrielle, voire 1,5°C si possible. Les scientifiques estiment qu’une hausse de plus de 2°C de la température pourrait avoir des répercussions profondes et irréversibles sur le climat : inondations de nombreuses villes côtières et de pays insulaires ; sécheresses et canicules avec de graves conséquences pour l’agriculture et l’eau potable dans certains Etats.

Quelles seront les conséquences du reniement de l’exécutif américain sur cet objectif ? Rappelons tout d’abord que les Etats-Unis sont le deuxième plus gros émetteur de CO2 de la planète avec 14,3% du total, derrière la Chine (29,5%) et devant l’UE (9,5%).

Examinons maintenant comment les températures pourraient évoluer si les autres pays de la planète reportaient comme les Etats-Unis les engagements de l’Accord de Paris. La Chine a annoncé qu’un retrait américain ne modifierait pas son agenda, mais on peut imaginer que d’autres pays soient tenter de suivre le chemin de l’administration Trump.

Dans un commentaire publié en décembre 2016 dans Nature Climate Change, deux chercheurs avaient fait le calcul. Leur conclusion : un report des engagements, même de quelques années, pourrait avoir d’importantes répercussions sur le climat. D’après Sanderson et Knutti, une sortie des Etats-Unis de l’accord ou un échec à limiter les émissions pourraient gravement affecter la capacité de la communauté internationale à atteindre l’objectif de contenir le réchauffement sous les 2°C par rapport à la période préindustrielle.

Si les autres pays reportaient comme les Etats-Unis leurs objectifs de huit ans (soit deux mandats présidentiels), 350 milliards de tonnes de CO2 seraient émises en plus au final, l’équivalent de +0,25°C.

L’augmentation du recours au charbon pourrait provoquer en outre une augmentation des émissions à court terme. D’autre part, la nouvelle administration américaine pourrait couper les budgets de la recherche sur les énergies renouvelables, ce qui entraverait la capacité future à réduire les émissions.

Au total, le report de la réduction des émissions de 8 ans, le retard pris dans la recherche, et un développement du charbon à court terme pourraient considérablement alourdir la facture : l’équivalent de 350 à 450 milliards de tonnes de CO2 en plus pour chacun de ces trois facteurs.

De quoi doubler le cumul des émissions d’ici 2100. Les huit prochaines années pourraient au final peser lourd avec +0,8°C par rapport au scénario le plus sage consistant à limiter les émissions dès maintenant, estiment Sanderson et Knutti.

Cette étude a une dimension politique dans la mesure où elle envisage une contamination de la décision américaine sur l’action des autres Etats. Si l’on se borne à observer les émissions des Etats-Unis, prises isolément, l’impact sur le climat global paraît bien moindre. Avec 5 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année par les Etats-Unis (sur un total de 36 Gt), une hausse ou une baisse de 10% n’aurait que peu d’incidence sur la réussite de l’objectif 2 degrés.

Mais ces émissions s’ajoutent au total de 339 milliards de tonnes déjà émises entre 1850 et 2007 par les Etats-Unis. C’est de loin le pays dont la contribution est la plus importante historiquement, devant la Chine (105 milliards de tonnes), la Russie (95 Gt), l’Allemagne (81 Gt) et le Royaume-Uni (68 Gt).

Toutes ces contributions font que le budget CO2 s’amenuise, sachant que la température globale s’est déjà élevée d’un degré environ.

En 2011, pour avoir de bonnes chances (66%) de limiter le réchauffement à 2°C, il ne fallait pas émettre plus de 1000 milliards de tonnes de CO2. Il ne reste plus  aujourd’hui que 19 années avant de consommer le budget 2°C.

Scénarios d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2100 superposés à la projection liée aux promesses des Etats dans le cadre de la COP21 (pointillés rouges). Sources : GIEC, ONU.

Les engagements pris par les gouvernements dans le cadre de la conférence mondiale sur le climat à Paris n’étaient certes pas suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C, comme l’avait reconnu reconnu l’ONU. Les émissions continueront à augmenter au moins jusqu’en 2030, une trajectoire qui pourrait mener à +3°C en 2100.

Que peut-on conclure de ces chiffres quand à l’impact de la décision de Donald Trump ? D’un strict point de vue climatique, les Etats-Unis ne sont plus en mesure de peser à eux seuls de manière décisive sur l’objectif 2 degrés. Mais les répercussions politiques sont plus difficiles à appréhender. Si la décision américaine était suivie par d’autres Etats et si elle était accompagnée d’une réorientation de la stratégie énergétique, l’impact serait tout autre.

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5 réponses »

  1. C’est tout à son honneur : son staff de climatosceptiques et lui restent parfaitement cohérent. Et rien ne l’empêche de baisser les émissions mais dans des délais moins « stressant » pour ses investisseurs. Mais ça relèverai du domaine de la croyance.
    Maintenant, reste à savoir de toute façon, si nos société écocido-industrielles ont toujours un avenir radieux avec ou sans réchauffement dramatique à court terme. C’est ce qui nous angoisse tous : d’être responsable devant ses petits enfants (et que ça en devient même criminel d’en avoir, pour d’autres), car une fois mort, on s’en fout totalement.
    Qu’auront-ils à dire face à ça, tous nos responsables : https://phys.org/news/2017-06-chemical-cocktail-barrier-reef-turtles.html ? Qu’il faut soutenir l’innovation et la recherche probablement…

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  2. L’humanité n’aura que ce qu’elle mérite ! Scénario le plus probable: effondrement des récoltes entrainant famine et guerre civile mondiale (ça c’est le scénario optimiste). il y a un autre scénario plus radicale: acidification des océans, mort du phytoplancton et arrêt de la production d’oxygène.
    Que la force soit avec nous et surtout avec nos enfants et futurs petits enfants s’ils voient le jour !
    Make our planet great again !

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    • Disons qu’une grande partie de l’Humanité aura ce que « méritait » seulement une petite partie ultra-polluante. Et lorsqu’on veut traduire les impératifs écologiques en terme politique, il faut avoir le courage et le sérieux de dire qu’on ne s’en sortira pas dans le système capitaliste, qui est un système intrinsèquement productiviste et ne peut nous amener qu’à consommer toujours plus d’énergies et de matières premières pour rien d’autre que pour les affaires. Mais il est déjà assez compliqué de convaincre les gens de la gravité de la situation en ce qui concerne le réchauffement climatique, alors, en tirer les leçons politiques relèverait du miracle…

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