Climat

Océans : nouveau record de chaleur en 2020

Une nouvelle étude montre que le contenu en chaleur des océans a atteint des niveaux inédits en 2020. C’est la deuxième année consécutive marquée par un record de chaleur océanique. Plus de 90% de l’excès de chaleur dû au réchauffement climatique est absorbé par les océans. Le réchauffement des océans reflète donc en grande partie le déséquilibre énergétique de la Terre.

D’après une analyse publiée en janvier 2021 sous la direction de Lijing Cheng, le contenu en chaleur de l’océan entre 0 et 2000 mètres a encore battu un record en 2020 pour atteindre un niveau sans précédent depuis le début de l’ère instrumentale. Le record avait déjà été battu en 2017 puis en 2019.

Le réchauffement à long terme de l’océan est un indicateur de l’état passé et présent du système climatique. Il fournit également un aperçu des changements à venir en raison de l’inertie thermique des océans. La concentration accrue de gaz à effet de serre provoque un déséquilibre énergétique dans le système climatique terrestre de près de 1 W / m2. Plus de 90% de cet excès de chaleur est absorbé par les océans. L’augmentation du contenu thermique des océans et l’élévation du niveau de la mer, principalement par expansion thermique et fonte de la glace sur la terre, sont ainsi des témoins majeurs du changement climatique.

Le niveau record est attesté par des données chinoises (Institute of Atmospheric Physics, IAP) et américaines (NOAA/NCEI). Malgré les incertitudes et des différences dans les méthodes de calcul, l’IAP et la NOAA mettent 2020 sur la première marche du podium devant 2019. L’anomalie de chaleur océanique (0−2000 m) en 2019 a atteint 234 zettajoules (ZJ =1021 Joules) au-dessus de la moyenne de 1981−2010 d’après IAP ; 211 ZJ d’après la NOAA.

Dans la couche supérieure des 2000 premiers mètres, le contenu en chaleur a augmenté à un taux moyen de 5,7 ± 1,0 ZJ par an pour la période 1958-2020 (IAP / CAS). Il y a une accélération depuis 1986, avec une augmentation annuelle moyenne de 9,1 ± 0,3 ZJ par an, presque huit fois plus que le taux de 1958 à 1985 (1,2 ± 0,6 ZJ). Et pour l’IAP, la hausse est de 20 ZJ entre 2019 et 2020… Sachant que l’incertitude diminue à mesure que les instruments (avec Argo notamment) et les méthodes d’analyse sont améliorés. Les données relevées par les instruments Argo aident les scientifiques à corriger et valider les relevés de température à partir de mesures plus anciennes et moins fiables, ainsi qu’à combler les lacunes géographiques et temporelles. L’incertitude dans les données du contenu en chaleur a été considérablement réduite au cours des dernières décennies grâce au  système d’observation des océans. Depuis le début des mesures, chaque décennie a été plus chaude que la décennie précédente.

Par rapport à 2019, le schéma spatial des anomalies est beaucoup moins distinct car la variabilité interne obscurcit les tendances à long terme. ENSO provoque une redistribution de la chaleur dans les océans Pacifique et Indien. Le bassin indo-pacifique a connu une transition entre des conditions El Niño en 2019 et des conditions La Niña au cours de la dernière moitié de 2020. En revanche, le Pacifique occidental et l’océan Indien oriental ont été plus chauds en 2020. D’autres régions ont été plus chaudes également, comme le Pacifique Nord, qui a connu des vagues de chaleur marines.

Le contenu en chaleur en 2020 est supérieur à celui de 2019 de 20 ± 8,3 ZJ d’après les données IAP / CAS et de 1 ± 3,5 ZJ d’après NOAA / NCEI. Il s’agit de données préliminaires qui seront complétées par des données de profil océanique qui ne sont pas immédiatement disponibles à la fin de l’année et par des processus d’étalonnage et de contrôle de la qualité qui se produisent également sur des échelles de temps plus longues.

Sur la période 1960-2020, 40.3%, de la chaleur a été stockée entre 0 et 300 mètres, 21.6% entre 300 et 700 mètres, 29.2% entre 700 et 2000 mètres, 8.9% entre 2000 mètres et le fond de l’océan. Avant 1992, le réchauffement de l’océan profond peut être considéré comme négligeable. Le graphique ci-dessous montre que le réchauffement touche toutes les couches de l’océan depuis les années 1990.

Par rapport à la période 1981-2010, le réchauffement concerne quasiment toutes les régions du globe avec des taux plus élevés dans l’Atlantique nord et sud (sauf au sud-est du Groenland) et dans certaines zones du Pacifique, des Océans Indien et Austral.

Sur le long terme, le réchauffement est plus ou moins important selon les régions. Dans l’Atlantique Nord tropical, où les ouragans se produisent et se développent, les augmentations du contenu en chaleur sont très significatives depuis le début des mesures. Le réchauffement des océans alimente les cyclones en énergie et exacerbe le risque d’inondations et de dommages majeurs. La mer Méditerranée est clairement un hotspot du réchauffement climatique avec une hausse importante depuis 2010. Dans le nord de l’océan Indien, le réchauffement est abrupt depuis 2000. L’Océan Austral connaît un réchauffement continu depuis le début les années 1960.

Le réchauffement plus marqué des océans dans les couches supérieures par rapport aux eaux profondes a provoqué une augmentation de la stratification des océans au cours du dernier demi-siècle. Avec une stratification accrue, la chaleur du réchauffement climatique pénètre moins efficacement dans l’océan profond, ce qui contribue à un réchauffement supplémentaire de la surface. Elle réduit également la capacité de l’océan à stocker du carbone, exacerbant le réchauffement de la surface de la planète. En outre, le réchauffement climatique entrave les échanges verticaux de nutriments et d’oxygène, ce qui a un impact sur l’approvisionnement alimentaire de l’ensemble des écosystèmes marins.

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11 réponses »

  1. Les données d’IAP/CAS et NOAA/NCEI sont incompatibles entre elles, au moins pour ce qui est de la hausse du contenu en chaleur des océans entre 2019 et 2020: 20 +- 8,3 contre 1 +- 3,5. Avec de telles anomalies, les deux méthodes sont en accord sur les années précédentes, mais pas là.

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    • Effectivement, il y a une grosse différence. Toutes deux montrent quand même que l’année 2020 est une année record selon leurs archives respectives. Les auteurs sont conscients des différences et précisent que les données sont préliminaires, invoquant des questions de méthode et de couverture spatiale.

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  2. J’avoue pour ma part avoir du mal à faire le lien entre le graphique et les chiffres annoncés.

    Graphique : contenu total 390 ZJ contenu à 2000 m 40 ZJ : contenu à moins de 2000 m : 390 -40 = 350
    Chiffres IAP 2020 : 234 ZJ

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  3. Je ne sais pas à quel point ça donne du carburant aux ouragan/cyclones/typhons (avec une Niña qui pousse peut-être aussi des eaux de surface bien chaudes d’un bassin à l’autre), mais encore une fois c’est un chapelet de tempêtes mais dans l’océan indien : Marian, Niran et une autre en formation bien à l’est de la Réunion ; je soupçonne aussi une grosse dépression à venir entre Madagascar et le Mozambique, ce ne serai pas la première fois cette saison.

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