Des travaux scientifiques ont montré qu’une température humide de 35°C pouvait être considérée comme une limite pour la survie humaine. Sur la base d’un ensemble de simulations climatiques, des chercheurs montrent dans une nouvelle étude que ce seuil critique pourrait être dépassé à la fin du 21e siècle en Asie du Sud, dans les régions densément peuplées des bassins du Gange et de l’Indus.
L’Asie du Sud abrite environ un cinquième de la population humaine mondiale et cette région pourrait connaître d’ici la fin du siècle des températures mortelles, même pour des individus en bonne santé. C’est ce que l’on peut conclure d’une nouvelle étude montrant que le risque associé au changement climatique dépend aussi de la vulnérabilité humaine, ce que l’on a parfois tendance à oublier dans les projections de températures.

Le corps humain est capable de s’adapter à des conditions extrêmes de température par la transpiration à condition que l’humidité ne vienne pas contrarier l’évacuation de la chaleur. La « température humide » (une mesure combinant la température et l’humidité ) doit absolument rester en dessous d’un seuil de 35°C pour permettre la survie d’un être humain. La température humide ou « Wet Bulb Temperature » est celle qu’une parcelle d’air atteindrait si elle était refroidie à pression constante par évaporation de l’eau jusqu’à saturation.
35°C est le seuil de température humide au-delà de laquelle toute exposition pendant plus de six heures serait probablement intolérable, probablement mortelle, même pour des hommes en bonne santé non exposés au soleil. Quand le taux d’humidité grimpe, l’évaporation de la sueur est plus difficile et le corps ne peut plus se refroidir normalement. La chaleur ressentie est alors plus importante que la chaleur réelle.
La température normale du corps humain se maintient dans une fourchette de ± 1 ° C et la perturbation de la capacité du corps à réguler la température peut entraver immédiatement les fonctions physiques et cognitives. Les humains maintiennent une température corporelle centrale proche de 37°C. La température de la peau humaine doit cependant rester aux alentours de 35°C ou moins dans des conditions normales, car la peau doit être plus fraîche que le noyau du corps. Les températures prolongées de la peau supérieures à 35°C impliquent des températures élevées du corps (hyperthermie), qui atteignent des valeurs létales (42-43 ° C) pour des températures cutanées de 37 à 38°C même pour les individus acclimatés et adaptés.
Heureusement , les températures humides dépassent très rarement les 31°C dans le climat actuel (seuil déjà dangereux pour de nombreux êtres humains). Trois régions étendues, où les valeurs dépassent 28°C, existent actuellement : le sud-ouest de l’Asie autour du golfe Persique/Arabique et la Mer Rouge ; l’Asie du Sud dans les vallées de l’Indus et du Gange ; l’est de la Chine. Chaque région a une géographie et un climat unique : c’est pourquoi des études détaillées et à fine résolution sont nécessaires.
Pal et Eltahir, les auteurs de la présente étude publiée dans Science Advances, ont déjà publié en 2015 un article sur le Moyen-Orient, montrant les risques de températures extrême dans cette région. Cette fois, ils se penchent sur l’Asie du Sud, une région densément peuplée. Par Asie du Sud, il faut entendre le Pakistan, le Nepal, l’Inde, le Bangladesh, et le Sri Lanka.
En 2015, l’Iran a affronté une des pires vagues de chaleur jamais observées, avec environ 35°C de température humide, un niveau qui a choqué car on ne pensait pas qu’il serait atteint aussi tôt. Cela représente une chaleur ressentie (indice plus commun) de… 74°C. Il y a de nombreux indices mesurant la chaleur ressentie : la température humide, l’humidex, le heat index… L’étude à laquelle nous nous intéressons fait référence à la température humide, et il faut retenir que 35°C représente un niveau absolument maximum dans le climat actuel.
Pour étudier les impacts du changement climatique sur la santé humaine en Asie du Sudà l’horizon 2071-2100, les chercheurs ont utilisé des modélisations climatiques à haute résolution incluant des représentations détaillées de la topographie et des côtes, ainsi que des processus physiques détaillés liés à la surface terrestre et à la physique atmosphérique. Deux scénarios de concentration de gaz à effet de serre ont été étudiés, basés sur les trajectoires RCP4.5 (+2,25°C au niveau global) et RCP8.5 (+4,5°C). La Conférence des Nations Unies de 2015 sur les changements climatiques (COP21) a prévu de limiter le réchauffement à 2°C, sachant qu’un degré a déjà été engrangé.
Sur la base des résultats de la simulation, la température humide devrait dépasser le seuil de survie dans certaines régions. Dans le cadre du scénario RCP8.5, les 35°C serait approchés à la fin de siècle sur la majeure partie de l’Asie du Sud, y compris la vallée du Gange, le nord-est de l’Inde, le Bangladesh, la côte orientale de l’Inde, le plateau de Chota Nagpur, le nord du Sri Lanka et la vallée de l’Indus du Pakistan. Avec le scénario RCP4.5, aucune région ne devrait dépasser 35 °C. Cependant, de vastes régions de l’Asie du Sud devraient connaître des épisodes dépassant 31°C, ce qui est considéré comme extrêmement dangereux pour la plupart des humains. Des conditions moins sévères, en général, sont prévues pour le plateau de Deccan en Inde, l’Himalaya et les chaînes de montagnes occidentales au Pakistan.
Beaucoup de centres de population urbaine en Asie du Sud devraient connaître des vagues de chaleur caractérisées par des température humides au-delà de 31°C sous RCP8.5. Par exemple, à Lucknow (Uttar Pradesh) et Patna (Bihar), qui ont des populations métropolitaines actuelles respectives de 2,9 et 2,2 millions, le seuil de survie risque d’être dépassé. Dans la plupart des endroits, les vagues de chaleur qui se produisent tous les 25 ans dans le climat actuel surviendraient pratiquement chaque année, selon RCP8.5.
D’après ce scénario RCP8.5, une petite fraction de la population sud-asiatique (~ 4%) devrait connaître une température humide supérieure à 35°C d’ici 2100. Cependant, environ 75% de la population devrait connaître une température supérieure à 31°C, considérée comme dangereuse pour la plupart des humains, contre 15% dans le climat actuel et 55% selon RCP4.5.
Voilà de quoi illustrer concrètement ce que signifie l’augmentation des températures pour certaines régions du globe…




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